Audrey | Laissez vivre les mots | Administrateur | | | 12339 messages postés |
| Posté le 19-02-2006 à 03:43:17
| (AFP)
Vautours : la vengeance posthume des charognes L'espèce est décimée par un médicament administré au bétail La rencontre a finalement eu lieu à New Delhi, il y a deux semaines. Les cris d'alerte des scientifiques et des ONG concernant l'hécatombe qui frappe les vautours ont fini par faire réagir le gouvernement indien. Les 31 janvier et 1er février, les ministres de l'Environnement et de l'Agriculture ont reçu l'équipe de chercheurs qui a travaillé sur les raisons de la disparition de trois espèces de vautours en Inde . Les résultats de leur étude viennent d'être publiés dans la revue Plos Biology et pourraient sauver les vautours, qui meurent par millions depuis dix ans, empoisonnés par du Diclofenac , un anti-inflammatoire non stéroïdal administré au bétail. En dévorant les carcasses des bovins, les charognards absorbent ce médicament et meurent, en quelques jours, d'une goutte viscérale aux symptômes très caractéristiques. Les oiseaux sont d'abord plongés dans un état léthargique, leur cou s'affaisse ensuite considérablement, et ils vont jusqu'à tomber de leurs perchoirs avant de mourir. Les trois espèces touchées par la maladie (Gyps bengalensis, Gyps indicus et Gyps tenuirostris) sont en voie de disparition, 95 % des oiseaux ayant été décimés en Inde et dans certaines régions du Pakistan et du Népal. Il faut donc agir vite, et les scientifiques qui ont mené les tests sur des vautours en captivité proposent une solution : remplacer le Diclofenac par un autre médicament, le Meloxicam . «Il s'agit aussi d'un anti-inflammatoire non stéroïdal, mais nos tests ont montré qu'il n'était pas dangereux pour les vautours» , explique le Pr Gerry Swan, qui a dirigé l'équipe de chercheurs. Pour eux, l'issue de la crise repose sur l'introduction du Meloxicam et l'interdiction du Diclofenac . Aujourd'hui, la cause a été entendue par les dirigeants, à la grande satisfaction des membres de la Royal Society for the Protection of Birds (RSPB) qui ont en partie financé la recherche. «Les autorités ont annoncé lors de la réunion de New Delhi qu'elles interdiraient définitivement le Diclofenac dès qu'elles auraient les derniers résultats des analyses, c'est-à-dire dans les semaines qui viennent, se réjouit Cath Harris, de la RSPB. Nous aurions préféré qu'elles prennent la décision immédiatement, mais nous sommes optimistes, nous croyons à l'interdiction imminente du Diclofenac .» Cet anti-inflammatoire , généralement prescrit à l'homme, est administré au bétail en Asie du Sud en raison de son prix avantageux. Le Meloxicam coûte deux fois et demi plus cher, mais devrait permettre d'éviter la disparition totale des vautours, indispensables à l'équilibre de l'écosystème indien . Dans ce pays où règne l'hindouisme, et où la vache est sacrée, la présence de charognards permet d'éliminer les cadavres de bovins que les hommes ne mangent pas ; la mort des oiseaux pose des problèmes d'ordre sanitaire et écologique, les carcasses pourrissant sur les routes et favorisant les épidémies. De plus, les chiens errants, souvent porteurs de la rage, ont remplacé les vautours. A la question environnementale se sont donc greffés des enjeux politiques et sociaux, dont le gouvernement semble enfin se saisir. Mais certains scientifiques français émettent des doutes quant à l'hypothèse du Diclofenac . «La mortalité des vautours me semble trop importante pour être uniquement imputable à un médicament, et je serais étonné que la totalité du bétail indien ait reçu du Diclofenac» , argumente l'ornithologue à la retraite Gérard Grolleau, spécialiste de l'écotoxicologie sur animaux sauvages. «Il pourrait s'agir d'un virus inconnu, ce qui expliquerait qu'on ne l'ait pas identifié. D'autres espèces de rapaces ont déjà disparu subitement en Asie, infectées par des virus» , conclut-il. Du côté de l'équipe de Gerry Swan, on est plutôt formel : il suffit que 1 % du bétail indien ait reçu du Diclofenac pour que les vautours meurent en masse. Les résultats de leurs recherches semblent donc apporter une réponse finale à une crise vieille de dix ans, et devraient permettre, à long terme, de préserver les trois espèces de vautours jusqu'à présent menacées.
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