Maquis mon ami l’éléphant ... - Le Petit Monde d'Audrey

Maquis mon ami l’éléphant ...

Quand les douleurs vous persécutent
Quand certaines souffrances sont intenables
Au point de verser une larme que l’on essaie de cacher

Parfois à l’arrivé des amis
Qui viennent prendre de vos nouvelles
Une petite explication, de taille, s’impose

Par un soleil d’enfer au cœur de Colombo
Un jour un éléphant en acajou, sans nom,
Était caché dans une arrière boutique de luxe, mais assez vieillotte.

La raison était toute simple
Cet éléphant avait une cicatrice géante sur le flanc gauche
Il ne faut pas avoir de cicatrices, sinon
On vous laisse rapidement de côté.
C’est de même pour les statuettes ou
Décors sculptés dans toutes les matières

Il faut être déjà très beau, sans défaut, sans faille
Quand vous êtes un produit façonné par la main des hommes
Destiné pour la vente, il faut frôler le parfait

L’éléphant pour moi restera le chef des animaux,
Avec sa sagesse, sa longévité et sa force incroyable.
Ce jour-là, je compris que deux petites défenses attendaient une goutte de colle
Cet éléphant valait 132 roupies, environ quatre cent francs en 1983

Enfin cet animal fétiche, solide, balafré, avec de tout petits yeux
Venait de rentrer dans ma vie, avec ses deux kilogrammes
De bois précieux, et cette allure victorieuse…
Il était là en permanence, je lui avais offert un abri

Autre qu’un vestibule poussiéreux, il faisait parti de notre vie.
Les défenses orientées vers la porte d’entrée
Ce qui porte toujours bonheur.
Une chose que j’avais apprise dès mes quinze ans

Je lui confiais mes souffrances lors de mes sorties d’opérations
Il semblait me redonner des forces avec sa puissance légendaire
Doté d’une trompe aux huit mille muscles
Maquis l’animal racé arrivait du pays de la pierre précieuse
Le Sri-Lanka, la merveilleuse larme de l’Inde.

C’est incroyable ce qu’un objet raffiné qui vient d’un pays idyllique
Peut vous donner du baume au cœur, des forces pour se battre
Il partage encore maintenant mes songes
Dans les chassés croisés de mes rêves.

Par respect pour ton pays
Par respect de ton royaume
Je te ferai un signe tous les jours
Je prendrai à cinq heures une tasse de thé
Du thé de Ceylan évidemment
Je respecterai la devise des Ceylanais :
« Vivre et laisser vivre »

Un jour en pantalon de velours usé
Un autre jour je serais peut-être en haillons
Je garderai en souvenir la dextérité
Des tailleurs de pierres avec leur vis sans fin
Qui polissent de merveilleux rubis

Je garderai le contact avec Nanou
Cette femme au langage si précieux
Si belle dans son sari aux couleurs chatoyantes.
Le soir elle arrive dans la calèche de mes songes
Un véritable cortège de bonheur

Nous nous sommes connus dans une école
Il aura suffit d’un morceau de craie blanche
Sur un tableau noir d’un autre siècle
Pour qu’en anglais j’écrive trois mots
Son sourire avec ses dents de nacre
A éclaté dans mon cœur fixé et est resté à jamais.

Tu vois Maquis mon ami de longue date
Tout cet amour comble mon existence,
Il s’est passé dans ton pays

Je remercie le sculpteur d’avoir choisi
Ce morceau d’acajou
Sans polir cette immense cicatrice,
Et de t’avoir mis sur mon chemin.

Sans cette dernière tu ne serais pas parmi
Mes souvenirs et mes livres
Ne crains rien : tu ne seras jamais
Une relique encombrante.
Tu resteras le confident le plus ultime
Qui ne me trahira sous aucun prétexte.

© Auteur Celan: le 11.11.2007 ( histoire véridique )