| | | | | Audrey | Laissez vivre les mots | Administrateur | | | 12339 messages postés |
| Posté le 28-03-2006 à 01:41:23
| Petite histoire des SIGNES D'ECRITURE Si écrire nous est facile, l’écriture fait appel a des millénaires d’évolution. Des peintures rupestres à l’alphabet actuel, que de temps passé, et quelle belle histoire à parcourir !
Les premiers signes laissés par l’homme On remonte directement à la Préhistoire, où, à défaut de caractères d’écriture tels que nous les connaissons aujourd’hui, les peintures rupestres étaient déjà une façon de représenter le monde, les animaux qui le peuplait, ainsi que les hommes. Pour garder une “trace”, l’homme peignait son environnement. Puis, au fil du temps, ce fut la nécessité de "mettre par écrit", de garder une "trace" des échanges fait entre les hommes qui s’est fait ressentir... et l'on en arrive alors, bien plus tard à de réels systèmes d’écriture.
Lieux des premières écritures Pour retracer le parcours de l’écriture, il faut se rendre à différents moments de l’histoire et en différents lieux : Mésopotamie, Egypte, Chine...
Visite en MESOPOTAMIE : le CUNEIFORME Les plus anciens signes d’écriture ont été retrouvés essentiellement à Uruk (de nos jours Warka, en Irak), ancienne capitale du pays de Sumer. Ces signes ont été datés d’environ 3 300 avant JC. En Mésopotamie, l’histoire de l’écriture débute avec l’utilisation de boules d’argile , dont l’utilité était de conserver une trace des échanges réalisés entre hommes. Ces boules , sur laquelle sont apposés un sceau cylindrique identifiant le propriétaire, sont tracées des signes, et contenaient des jetons (calculi) en argile (ceux-ci de taille et de forme différentes selon une valeur convenue). Les jetons étaient glissés dans cette sphère creuse en argile, façonnée au préalable autour du pouce. Ainsi, par exemple, si la boule de terre contient le dénombrement d’un troupeau confié à un berger, lorsque celui-ci le ramène, il suffit de briser la bulle pour vérifier le nombre exact de bêtes. Vers 3 300 avant JC, on appose sur cette sphère, au côté du sceau, un résumé de son contenu : ainsi plus d’obligation de la casser au moment du contrôle. Les jetons numériques deviennent alors inutiles, les sphères s’aplatissent, se transforment en tablettes , et les premiers chiffres apparaissent : ce ne sont encore que des encoches plus ou moins fines, plus ou moins grandes selon la valeur attribuée, des empreintes en forme de cône ou de cercle. Les premiers pictogrammes apparaissent également , représentant l’objet de transactions, ou ayant le simple rôle de "signe-image". Enfin, ce sont de véritables "signes" qui vont apparaître, au travers de l’écriture cunéiforme, inventée à Sumer . Pourquoi "cunéiforme" ? "Cunéiforme" vient du latin "cuneus" qui signifie "coin, clou". Au lieu de graver, le scribe "imprime", à l’aide d’un calame (tige de roseau triangulaire) , apposant ainsi des marques en forme de "coins". Cette graphie cunéiforme permet enfin que l’écriture, au lieu d’être cantonnée au rôle d’aide-mémoire, prenne son élan : on l’utilise pour la réalisation de documents administratifs, de textes religieux, voire même littéraires et poétiques, (telle la fameuse épopée de Gilgamesh). Depuis ce point de départ de la Mésopotamie, l’écriture cunéiforme va se répandre dans tout le Proche-Orient , tout en étant réservée à l’élite des scribes, et en se compliquant et s’alourdissant au point d’atteindre environ 1 400 symboles . Cet "alourdissement" du cunéiforme provoquera peu à peu sa régression, alors que d’autres façons d’écrire commencent leur apparition.
Visite en EGYPTE : les HIEROGLYPHES Ecriture considérée comme sacrée (les Egyptiens la nommaient "parole divine"), les hiérogyphes font leur apparition aux environs de 3 200 avant JC. Le terme "hiéroglyphe" vient du grec "hieroglúphos", formé lui-même à partir de "hierós" (sacré) et de "glyphein" (graver), et signifie "les caractères sacrés". A l’époque gréco-romaine, les "hiéroglyphes" désignait "celui qui trace les hiéroglyphes", et non les caractères eux-mêmes. Les inscriptions hiéroglyphiques égyptiennes sont composées de deux types de signes de base : - les idéogrammes (images représentant le sens du mot), - et les phonogrammes (images représentant le ou les sons d’un mot). Les pictogrammes égyptiens représentaient des éléments reconnaissables par tous, sous forme de dessins (animaux, personnes, végétaux, parties du corps...). L’écriture hiéroglyphe fut employée pendant 3 000 ans. La dernière inscription connue à ce jour est datée du 24 août 394 , et se trouve dans le Temple de Philae. Les scribes du Nouvel Empire se contentaient d'environ 700 signes , (en pratique un nombre beaucoup plus restreint). Sous le règne des Ptolémées, c'est par milliers qu'il faut compter les hiéroglyphes qui s'alignent sur les murs des temples, où il n'est pas rare de voir un même signe correspondre à plusieurs lectures différentes, selon le contexte dans lequel il est inséré. L'écriture hiératique est la forme cursive de l’écriture hiéroglyphe.
Ecriture hiératique. Ecrite au calame , elle était réservée aux documents administratifs et aux documents privés, et avait pour support le papyrus, des tessons de poterie ou de calcaire, le parchemin, ou encore des tablettes de bois . Une nouvelle cursive supplanta ensuite partiellement l’écriture hiératique : le démotique.
Démotique. Simplification extrême de l’écriture hiératique, le démotique était réservé aux actes administratifs et aux documents de la vie courante. Mais le grec fut de plus en plus employé comme langue administrative, et, dès 146 avant JC, les contrats écrits uniquement en démotique n’avaient plus aucune valeur légale . L’écriture copte, quant à elle, est directement inspirée du démotique, mais fortement influencée par l’écriture grecque.
Ecriture copte. ...Malgré quelques explications données par des textes grecs, il faudra attendre 1822, Champollion et la Pierre de Rosette (sur laquelle figure le même texte en hiéroglyphes, démotique, et grec), pour que le système d'écriture de l'Égypte antique soit à nouveau compris.
Visite chez les MAYAS Un autre système hiéroglyphique existait , en Amérique cette fois, chez les Mayas . Cette écriture se lisait de gauche à droite et de haut en bas, et était formée de deux glyphes par colonne . Ces glyphes mayas représentaient des mots ou des syllabes se combinant pour désigner n'importe quel concept : un nombre, une période de temps, un membre de la royauté (par son nom ou son titre), un événement survenu au cours de la dynastie, un dieu, un scribe, un sculpteur, un objet, un édifice, une place, un mets... Les glyphes étaient considérés comme un don sacré des dieux, et seuls certains y accédaient. Les glyphes se notaient sur des codex , mais aussi sur la pierre, le jade ou le bois. Les Mayas avaient aussi un système arithmétique très développé, comptant de 20 en 20, avec un système de notation incluant le zéro . Barres, points et coquillages se mêlaient alors à des glyphes pour écrire ce système arithmétique. Au XVIe siècle, les Espagnols, qui tentaient de convertir les Mayas et les Aztèques au christianisme, ont brûlé de nombreux codex. Le décryptage des textes est aujourd’hui facilité par les ordinateurs, grâce aux techniques d'illustration et aux connaissances accumulées au cours d'un siècle de recherches scientifiques. Néanmoins, les hiéroglyphes mayas n'ont pu être entièrement déchiffrés : on ne peut que les interpréter, et non les lire. À ce jour, près de 85 % seulement des hiéroglyphes mayas ont été décryptés. Il ne reste que quatre codex préhispaniques, portant sur la religion et l’astronomie. Ils sont pour la plupart écrits en yucatèque de l'époque, une des 31 langues mayas . - Le codex de Dresde , comportant 78 pages, qui a probablement été rédigé à Chichén Itzá entre l'an 1200 et l'an 1250. Certains archéologues estiment qu'il pourrait avoir été écrit un demi-siècle plus tard, ailleurs au Yucatán. Il renferme des almanachs, comptabilisant les jours, des tables d'éclipse, des prédictions, de prophéties et un relevé des mouvements de la planète Vénus. Il mesure trois mètres et demi et il aurait été peint par au moins huit scribes .
Codex de Dresde - Le codex de Madrid , appelé Codex Tro-Cortesianus , se compose de deux fragments. Il comprend 112 pages d'écrits religieux et de prédictions. - Le codex de Paris ou codex Peresianus , d'une longueur de 22 pages, renferme des prédictions et un calendrier. - Le codex Grolier est celui qui a été découvert le plus récemment. Il a été pour la première fois présenté au public au Grolier Club de New York. Il semble qu'il ait été découvert dans une caisse en bois, dans une caverne du Chiapas. Il est en piètre état, et ne contient que la moitié d'une table de 20 pages traitant des mouvements de la planète Vénus. Il est daté de 1230 après JC, ce qui en fait le plus ancien des codex connus d'avant la conquête espagnole.
Visite en CHINE : les IDEOGRAMMES L’écriture chinoise serait la seule à avoir traverser tant de millénaires. Contrairement aux autres systèmes d’écriture, qui ont tous évolué vers une représentation alphabétique des mots, le signe graphique chinois est indépendant du signe phonologique : à chaque signe correspond un mot et non un son . La langue chinoise écrite attribue ainsi un symbole ou un caractère distinctif unique pour chaque mot du vocabulaire. Certains appellent les caractères chinois des " sinogrammes ", terme inventé les professeurs Weulersse et Lyssenki, de l’Université de Paris VII, qui se dit en chinois "hànzì" (caractères d’écriture des Hàn). Selon eux, les sinogrammes ne sont pas tous des idéogrammes. Mais, n’ayant trouvé aucun autre appui à cette appellation de "sinogrammes", revenons à l’appellation couramment employée "d’idéogrammes". L’écriture chinoise est une écriture à base d’idéogrammes, donc, représentant des choses simples, que l’on peut complexifier pour leur ajouter une idée. Les plus anciens caractères chinois que l’on connaisse sont des oracles gravés sur des carapaces de tortue et des omoplates de boeuf, dus à des devins de cour de la dynastie des Shang, à partir du XIVe siècle avant JC. Les devins gravaient sur des carapaces de tortue les questions de leurs "clients", puis portaient contre ce support un tison chauffé à blanc, et interprétaient les craquelures ainsi produites. Il consignait ensuite le résultat de sa divination sur la carapace, à proximité des craquelures.
Inscriptions oraculaires sur un omoplate de boeuf. Vers 300 avant JC, le ministre Li SI, dans la cadre d'une politique d'unification de la Chine, établit une liste de 3 000 caractères. Mais ce nombre ne va cesser d'augmenter : * 8 000 à la fin du Ier siècle de notre ère, * 18 000 au IIIe siècle, * 30 000 au XIe, * 47 000 au XVIIIe, * environ 55 000 aujourd’hui dont 3 000 sont d’usage courant. Dans sa politique de lutte contre l’illettrisme (80% en 1949), le gouvernement communiste chinois généralisa l’instruction, et chercha à faciliter l’apprentissage de l’écriture. Il promulgua en 1958 une réforme fondée sur la simplification de la graphie de 515 caractères ; cette simplification consiste en une diminution du nombre de traits composant un caractère . L'écriture chinoise actuelle se lit de gauche à droite , mais celle des textes anciens et des poèmes se lit de haut en bas et de droite à gauche.
L’alphabet Le cunéiforme et ses évolutions sont probablement à l’origine de la naissance de l’alphabet que nous connaissons aujourd’hui. L’alphabet phénicien fut ainsi inventé vers 1 100 avant JC.
Phénicien. Découpé en consonnes, il ne comportait toutefois pas les voyelles permettant de prononcer les mots. Cet alphabet fut énormément diffusé. Les Grecs ont ensuite modifié ce même alphabet, en y introduisant la notion de voyelle, permettant ainsi de pouvoir prononcer les consonnes et rendre le tout intelligible. Ainsi sont nées les omicron , upsilon , alpha , epsilon ... Ils ont aussi adapté cet alphabet à leur langue, en fonction des sons dont ils avaient besoin pour la retranscrire . Certains ont été jugés utiles, d’autres non. Le terme même d’"alphabet" provient du grec : ce mot est formé des deux premières lettres de l’alphabet grec : "alpha" et "bêta". Les textes utilisant les alphabets archaïques se lisaient de droite à gauche, comme de gauche à droite . On pouvait même voir différents sens de lecture au sein d’un même texte. Le tout a ensuite été "normé" pour qu’un seul sens de lecture subsiste. Et un seul alphabet fut admis comme officiel : le ionien. Puis de l’alphabet grec découlèrent les alphabets latin et cyrillique .
Du côté du LATIN L’alphabet latin découlera précisément de l’alphabet des Etrusques (Toscane). Leur langue est toujours restée un mystère, elle nous est aujourd’hui encore indéchiffrable. Nous savons cependant que l’alphabet grec a servi aux Etrusques à noter cette langue mystérieuse. Puis les Latins envahirent les Etrusques, mais conservèrent leur alphabet pour écrire leur langue , le latin. Plusieurs transformations dans l’écriture ont eu lieu par la suite : De l’onciale (qui comportait des lettres plus petites) , nous sommes passés, sous Charlemagne, à une écriture carolingienne plus carrée, qui fut diffusée par les copistes, puis à une écriture gothique , mais cette dernière était difficilement lisible. Un retour vers l’écriture carolingienne eut donc lieu. Et enfin, dernière touche... l’italique fut créé, en 1501 par Francisco Raibolini, dit Griffo , en réponse à la demande d’Aldo Manuce, imprimeur vénitien, qui voulait reproduire l’écriture manuscrite cursive. Cette écriture fut d’ailleurs, à l’origine, appelée "lettres vénitiennes", avant de devenir "l’italique".
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| Simulacre | Modérateur | | | 928 messages postés |
| Posté le 28-03-2006 à 07:46:57
| Félicitations pour le travail de rédaction, et pour le sujet qui m'était assez inconnu, à part les quelques bases vu durant les premières années de scolarité. On me dit régulièrement que j'ai une écriture semblable à l'écriture hiératique.
-------------------- Allo soeurette ? Es-tu habituée aux plans looses ? Ne me demandes pas pourquoi, mais je suis enfermé avec Wayne à clef chez moi. ThunderLord |
| Audrey | Laissez vivre les mots | Administrateur | | | 12339 messages postés |
| Posté le 28-03-2006 à 15:34:50
| Merci, Simulacre
Simulacre a écrit :
On me dit régulièrement que j'ai une écriture semblable à l'écriture hiératique. |
Au moins, tu peux leur répondre que ton écriture, âgée de 5 millénaires, mérite le respect
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| ThunderLord | Assassin au chômage technique | Co-Administrateur | | | 4623 messages postés |
| Posté le 01-04-2006 à 22:16:03
| Un sujet qui me rappelle des heures de "lecture" dans les musées à chaque visite scolaire pour retrouver un des rares hiéroglyphes appris à l'école... Au-delà de ces petits souvenirs personnels, j'apprends quelques choses intéressantes sur l'histoire des langues, bien que, je l'avoue, la langue grecque me fascine bien moins que les langues moyen-orientales.
-------------------- ThunderLord ---> Thérapie Hautement Utopique et Normalisée de Démultiplication des Etats Reconnus de Léthargie Ombrageuse Reliée à la Démonologie. ©Audrey |
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