Audrey | Laissez vivre les mots | Administrateur | | | 12339 messages postés |
| Posté le 13-04-2006 à 20:32:07
| (AFP - 13/04/06)
Beckett aurait 100 ans : la postérité discrète du grand "Sam" Samuel Beckett en 1988 à Paris Pessimiste radical, obsédé par le silence, le dramaturge Samuel Beckett, dont l'oeuvre devenue classique reste l'une des plus singulières du XXe siècle, aurait eu 100 ans le 13 avril. " Si je me mets à réfléchir, je vais rater mon décès " : Beckett, Sam pour les intimes, l'auteur d' " En attendant Godot ", Prix Nobel de littérature en 1969 , taquinait la mort à chaque phrase. Seize ans après sa disparition, le 22 décembre 1989, il survit grâce à son théâtre, à la fois tragique et comique, qui exprime le dénuement et l'impuissance de l'homme. Une oeuvre novatrice qui fit de cet Irlandais formé dans les meilleurs collèges protestants, un grand écrivain de langue française. Né le 13 avril 1906 à Foxrock, une banlieue aisée du sud de Dublin, jeune homme extrêmement brillant, Beckett aurait du devenir professeur. Mais le sens de l'absurdité du monde, et en premier lieu du langage, en fit très tôt un homme "à l'écart", qui vivait "parallèlement au temps". Longue silhouette fuyante, profil d'aigle et regard gris bleu, Beckett quitte une première fois l'Irlande en 1928 pour Paris, où il travaille comme lecteur d'anglais à l'Ecole Normale Supérieure . Il y découvre la liberté intellectuelle, l'alcool, et devient l'ami de son compatriote James Joyce . Dix ans plus tard, Sam se fixe définitivement en France. Il écrit alors en anglais, des poèmes, puis un premier roman " Murphy " , refusé par 42 éditeurs. Quand la guerre éclate, il pourrait rejoindre l'Irlande, neutre, mais entre au contraire dans la Résistance , préférant "la France en guerre à l'Irlande en paix". Un nouveau roman " Watt ", toujours en anglais, ne trouve pas d'éditeur. Dès lors, Beckett va se fondre dans la langue française. En se détachant de sa propre langue, il aspire à une écriture minimaliste, selon lui "sans style", dont la particularité est d'être reconnaissable entre mille. Le monologue devient la forme essentielle de son oeuvre. "Tout langage est un écart de langage", écrit-il. En proie à une frénésie créative, il produit à la fin des années 1940 sa trilogie romanesque : " Molloy ", " Malone meurt " et " L'innommable ". Le succès vient en 1953 de sa rencontre avec le metteur en scène Roger Blin , qui monte sa première pièce majeure, " En attendant Godot ", alors que tous les directeurs de théâtre de Paris la refusent. " Fin de partie " (1957) et " Oh les beaux jours " (1963), dont la narratrice s'enfonce dans le sol, imposeront définitivement le théâtre de Beckett. Autre rencontre capitale : Jérôme Lindon, le fondateur des Editions de Minuit, qui publie à partir des années 1950 l'ensemble de son oeuvre. C'est le début d'un compagnonnage de plus de trente ans, d'une fidélité intransigeante. Une oeuvre majeure forte d'une trentaine d'essais, romans, pièces de théâtre, naît de leur collaboration. Une oeuvre que Beckett considérait comme "une tache sur le silence", à l'image de sa vie "terne et dépourvue d'intérêt". Dans ses dernières années, Beckett vivait dans une solitude farouche. Il est aujourd'hui l'un des écrivains de langue française les plus traduits dans le monde et l'un de ceux dont l'oeuvre fait l'objet de plus de commentaires. Peu de choses, en revanche, en France, pour célébrer le 100e anniversaire de sa naissance . Un roman, " Mercier et Camier " (1970), réédité aux éditions de Minuit, et une lecture publique de son oeuvre, le 13 avril près de sa tombe au cimetière Montparnasse.
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