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 8 mai 1945 - l'Allemagne à l'heure Zéro

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Pierma
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   Posté le 13-05-2008 à 18:57:02   Voir le profil de Pierma (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Pierma   

Deutschland, Stunde Null

L’Allemagne à l’heure Zéro.


L’aube du 8 mai 1945 se lève pour les Allemands sur une situation de cauchemar.

Dans les rues allemandes, les graffitis « Profitez de la guerre, la paix sera terrible » ont laissé la place à l’inscription : « Das verdanken wir Hitler » - C’est à Hitler que nous devons ça.

Hitler avait promis : « Donnez-moi dix ans et vous ne reconnaîtrez plus la vieille Allemagne. » Effectivement l’Allemagne est méconnaissable. L’exode, la clochardisation et la faim, tel est le lot de la quasi-totalité d’entre eux.

Les routes allemandes sont le théâtre de migrations comme l’Europe n’en a pas connu depuis les grandes invasions. On a calculé qu’au 8 mai 45 il y avait plus de 50 millions de personnes sur ses routes.

Onze millions de soldats allemands sont emmenés en captivité, pour rejoindre les baraques confortables des camps américains ou l’enfer de la Sibérie. (Sur 3 millions de prisonniers en Sibérie, un sur dix survivra.)

Six millions de travailleurs forcés, quatre millions de prisonniers de guerre libérés rentrent chez eux à pied, ainsi qu’une partie des déportés. Il repartent vers l’est - Pologne, Tchécoslovaquie, Hongrie - ou vers l’ouest – France, Hollande, Belgique, Italie.

Une partie d’entre eux préfère rester sur place, et constitue des bandes errantes à la recherche de nourriture. C’est en général le cas des 2 millions de prisonniers soviétiques, qui seront rapatriés (de force si nécessaire) par les Alliés. Des gangs de déserteurs, armés et de toutes nationalités, se constituent dans toutes les grandes villes. Il y a même des orphelins qui vivent au milieu des ruines et qui se regroupent pour survivre.

Ceux qui rentrent chez eux à l’est croisent les Allemands qui fuient l’Armée Rouge par millions. La Prusse Orientale, la Poméranie et la Silésie se sont vidées de leurs habitants. D’autres Allemands cherchent à quitter les pays où ils étaient minoritaires avant-guerre : les Sudètes, la Hongrie, et jusqu’à la lointaine Roumanie. Ils n’y sont plus en sécurité, face aux vengeances des populations locales.

A Yalta, on prendra la décision d’expulser partout ces « Volksdeutsche », sept millions de personnes d’origine allemande, dont certaines vivaient là depuis le Moyen-Age. Le transfert forcé commencera à l’entrée de l’hiver 1945. Deux millions seront massacrés en route.

Tous ces réfugiés viennent ajouter à la surpopulation d’une Allemagne qui a perdu un tiers de son territoire. La clochardisation est le lot des villes détruites et des villages surpeuplés. La population des villes a été évacuée à la campagne pour la soustraire aux bombardements. Le maire antinazi de Cologne, Konrad Adenauer, appelle les habitants à ne pas revenir en ville : il n’y a rien pour les loger ni pour les nourrir. La population urbaine vit dans les caves, les gares, dans des logements sans fenêtres, à moitié écroulés et rafistolés.


Berlin - été 1946


Pour les réfugiés venus de l’Est tous les logements imaginables seront utilisés, en général à la campagne. Non seulement les granges, mais les étables à cochon où chaque famille se voit attribuer un box. Ceux-là au moins auront un toit sur la tête.

Pour l’hiver, il n’est pas question de chauffage : les mines de charbon allemandes sont les seules qui peuvent fournir à l’Europe occidentale l’électricité et le chauffage dont ces pays ont désespérément besoin.

La politique des autorités d’occupation alliées est d’ailleurs parfaitement claire : si la faim et le manque de chauffage doivent provoquer des émeutes, si les soldats alliés doivent tirer sur la foule, alors il vaut mieux que ça se produise en Allemagne plutôt que n’importe où ailleurs. Les ressources de l’Allemagne seront utilisées sans ménagement au profit des pays qui viennent d’être libérés. La France, par exemple, saisit plus de nourriture dans sa zone d’occupation, pourtant dévastée, qu’elle ne lui en fournit.

L’Allemagne s’enfonce dans la faim et le désespoir. La prostitution et le marché noir se généralisent. Chaque soldat allié a sa Gretchen (petite amie) et les rations militaires sont une bénédiction pour des millions de familles.

Dans les villes, la ration moyenne tombe à 1000 calories par personne : elle était de 800 calories dans les camps de concentration. (La ration normale est supérieure à 2500 calories pour un travail sédentaire.) La carte de ravitaillement de base, pour ceux qui ne travaillent pas, est surnommée « la carte de la mort ». Dès l’été 45, les Anglais mobilisent les prisonniers allemands pour essayer de sauver les moissons des plaines du nord qui sont restées sur pied.

L’activité économique a disparu. Le seul signe d’activité est constitué par les « Trümmerfrauen » – les femmes des décombres – qui sont chargées de récupérer des briques ou des matériaux utilisables dans les immeubles effondrés.


Trümmerfrauen – les femmes des décombres


Dans les quelques usines qu’on a remises en route – souvent pour les besoins des alliés – les ouvriers sont employés à mi-temps : on fournit ainsi un salaire à deux familles au lieu d’une seule, et de toute façon les ouvriers ne peuvent tenir à plein temps, ils s’évanouissent à leur poste.

Si l’hiver 45-46 est relativement clément (il pleut) par contre l’hiver 46-47 commence dès le mois d’octobre. A Berlin, où l’on a creusé des fosses avant que les sols gèlent, la température tombe en dessous de -20°C. La mortalité infantile atteint des sommets effrayants. La ville voit encore arriver 30 000 réfugiés par jour, que les autorités doivent dispatcher dans le reste de l’Allemagne, qui n’est guère mieux loti. Des rumeurs de cannibalisme courent la ville. La police allemande affirme avoir découvert un trafic de viande humaine. Aucun des soldats qui ont connu Berlin à cette époque n’en doute sérieusement.

Jamais dans l’Histoire une nation développée n’est tombée aussi bas. Aucune n’a dû faire autant d’efforts pour se relever. Les soldats alliés finiront par estimer le courage d’un peuple qu’ils considéraient comme maléfique. A l’usage, d’ailleurs, ils préfèrent avoir affaire à des familles allemandes dont ils connaissent la culture et la discipline, qu’à ces gangs de DP (Displaced Persons) de toutes nationalités qui n’obéissent à rien et contre lesquels on devra redonner des armes à la police allemande.

Le début de la renaissance se situe en 1948 : cette année-là les occidentaux mobilisent des moyens aériens considérables pour ravitailler Berlin Ouest assiégée par les Soviétiques, ce qui redonne confiance aux Allemands.


Les Berlinois viennent observer le pont aérien : un avion toutes les 45 secondes.


La nouvelle monnaie, le Bundesmark, remplit du jour au lendemain les vitrines des commerçants : jusque-là, plus personne ne voulait de la monnaie du Reich, le Reichmark, et tout se trafiquait en dollars, en bijoux, en faisant du troc ou… en cigarettes. Le plan Marshall et la création de la République Fédérale finaliseront cette évolution.

Mais en 1948 encore, la moitié du budget de l’état fédéral est consacrée à la subsistance des réfugiés, dont beaucoup vivent encore dans des camps d’urgence.

Ce que l’Allemagne à vécu de 1945 à 1948 donne une idée de ce que serait la survie après un conflit nucléaire.


Edité le 13-05-2008 à 19:34:59 par Pierma




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   Posté le 29-05-2008 à 20:15:50   Voir le profil de Pierma (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Pierma   

Du Reichstag au Bundestag

Une série de photos du Reichstag avant et après la guerre.

Aujourd'hui, ce batiment abrite à Berlin le parlement de l'actuelle république fédérale, le Bundestag. Il a été rénové - et couvert d'un coupole en verre - lorsque le gouvernement allemand a quitté Bonn pour se réinstaller à Berlin, après la réunification.



1933 - incendié par les nazis pour faire accuser les communistes


1945 - Le batiment est pris par les soldats russes

Cette photo est une reconstitution effectuée quelques jours plus tard.


1945 - Après les combats


1946 - Les Berlinois plantent des jardins potagers


1958 - Le "miracle économique"


Le Bundestag aujourd'hui


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   Posté le 30-05-2008 à 23:55:15   Voir le profil de Audrey (Offline)   Répondre à ce message   http://lepetitmondedaudrey.alloforum.com/   Envoyer un message privé à Audrey   

Impressionnants changements, c'est le moins que l'on puisse dire !
Merci Pierma pour ces photographies.

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