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 1912 le naufrage du Titanic - Vérité et légende

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Audrey
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   Posté le 22-11-2009 à 01:06:26   Voir le profil de Audrey (Offline)   Répondre à ce message   http://lepetitmondedaudrey.alloforum.com/   Envoyer un message privé à Audrey   

Merci pour tes explications, Pierma.

L'explication sur la qualité de l'acier à l'époque tient la route. Et, effectivement, conjuguée avec pression d'un iceberg et longueur du navire, ça fait beaucoup pour une seule armature !

Cela dit, une chose m'étonne : alors que, de nos jours, on est capables de créer des tas de robots d'inspection, y compris résistants aux grandes profondeurs, comment se fait-il que l'on ait si peu d'infos sur l'intérieur du Titanic ? Qu'il ait l'avant enfoncé dans la vase ne devrait pas trop perturber un robot d'inspection...

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   Posté le 24-11-2009 à 09:50:25   Voir le profil de Pierma (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Pierma   

Audrey a écrit :

Cela dit, une chose m'étonne : alors que, de nos jours, on est capables de créer des tas de robots d'inspection, y compris résistant aux grandes profondeurs, comment se fait-il que l'on ait si peu d'infos sur l'intérieur du Titanic ? Qu'il ait l'avant enfoncé dans la vase ne devrait pas trop perturber un robot d'inspection...

Je me suis posé la même question.

Parce qu'on sait faire ça, aujourd'hui. J'ai vu par exemple un documentaire sur le cuirassé Bismarck, coulé par les Anglais dans l'Atlantique.

Me souviens plus de la profondeur, mais c'est au minimum à 2000 m. Les explorateurs de l'épave ont utilisé un robot pour visiter la passerelle, les tourelles, inspecter les dégâts...

(Au passage, ils n'ont trouvé qu'une vingtaine de coups au but, alors que les cuirassés et croiseurs anglais ont tiré plus de mille obus.)

Précision utile : le robot est téléguidé par un câble souple, par lequel transitent les ordres qu'on lui donne, et par lequel il renvoie en instantané les images de sa caméra orientable.

En effet, les ondes radio ne se propagent pas sous l'eau. On pourrait à la rigueur guider le robot par ultrasons, mais ça ne fonctionnerait pas dès qu'il est à l'intérieur de l'épave : la coque arrête les ultrasons, ou alors il y aurait des échos à l'intérieur.

Le gros souci, vu dans ce documentaire, c'est de faire évoluer le robot à l'intérieur alors qu'il traîne son câble, qu'il faut éviter de coincer. (Quand le robot recule, on enroule un peu de câble, on vérifie aussi au cours de la progression qu'il ne risque pas de se coincer...)

Je pense que c'est le problème avec le Titanic : il faudrait explorer l'épave de l'intérieur. C'est possible pour les parties hautes, mais le robot pourrait difficilement descendre plusieurs étages pour aller inspecter la déchirure. D'autant que l'intérieur doit être déformé par le choc avec le fond de la mer (40 km/h, je crois) ainsi que par les "explosions" qui se sont produites au moment du naufrage.

Avant même qu'il coule, des survivants ont entendu le bruit de cloisons intérieures enfoncées par la pression de l'eau qui montait. Pendant la descente sous l'eau, des poches d'air sous pression se sont libérées avec violence et ont produit des dégâts.


L'épave se brise en deux au moment du naufrage.
Cette peinture dramatisée est un peu éloignée de la réalité .


En clair, l'intérieur de la partie avant de l'épave - l'épave est coupée en 2 morceaux, au fait - doit être un vrai foutoir, dans lequel il serait très difficile de faire descendre un robot câblé.

A la rigueur, ce serait possible par étapes avec un robot à trajectoire programmée d'avance (sans fil) Il pourrait poser des mini-balises sonar au fil de son parcours, pour se repérer à l'aller et au retour, ou mettre en place - et faire progresser - un câble permanent. (Un peu comme un alpiniste qui pose des cordes fixes sur un passage utilisé par un expédition.)

En tous cas ce ne serait pas une mince affaire.

Est-on prêt à dépenser autant d'argent pour cela ?

Peut-être est-ce bien, aussi, que le Titanic garde une part de son mystère.


Edité le 24-11-2009 à 09:51:45 par Pierma




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   Posté le 24-11-2009 à 20:43:57   Voir le profil de Audrey (Offline)   Répondre à ce message   http://lepetitmondedaudrey.alloforum.com/   Envoyer un message privé à Audrey   

Pierma a écrit :

Peut-être est-ce bien, aussi, que le Titanic garde une part de son mystère.

Ce n'est pas faux...

Il est vrai que des recherches à cette profondeur et dans les conditions précitées coûteraient une petite fortune, pour (peut-être) n'en retirer que peu d'infos, vu le temps écoulé et l'état supposé de l'épave.

Comme quoi, XXIe siècle ou pas, armada technologique ou pas, nous aurons toujours des zones d'ombre, des mystères non élucidés, dans tel ou tel domaine. Et je pense qu'il vaut mieux en dire "tant mieux" (la connaissance totale nous lasserait bien vite...)

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   Posté le 27-11-2009 à 08:35:34   Voir le profil de Pierma (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Pierma   

Le naufrage du Titanic - Vérité et légende


5. L’impensable.





Lorsque la soirée s’achève, le premier officier Murdoch est de quart sur la passerelle. A 22h00 il a pris la relève de Lightoller. Les deux hommes ont bavardé un vingtaine de minutes, le temps pour Murdoch de s’habituer à l’obscurité. La conversation a porté sur la bonne marche du navire, l’absence de défauts constatés au cours de ce premier voyage, et sur la présence de glaces, signalée par plusieurs autres navires.

Pour parer à ce danger, on a soigneusement occulté toutes les lumières donnant sur le pont avant. La passerelle est plongée dans l’obscurité. Ainsi, dans leur nid de pie, les veilleurs peuvent scruter la mer devant le navire sans être gênés par des lumières.

Nuit sans lune, ciel parfaitement clair où brille un plafond d’étoiles. Pas un souffle de vent : la mer est immobile, sans houle. C’est un inconvénient, car on ne pourra pas distinguer la frange d’écume que les vagues créent habituellement au pied des icebergs. Les deux officiers comptent cependant les apercevoir à une distance de 2000 yards environ. (1800 m)

23h40 : l’un des guetteurs se penche en avant, les yeux écarquillés : aucun doute. Trois coups de cloche. Téléphone : « Iceberg droit devant. » « Merci », répond Murdoch. Avant même de raccrocher, l’officier commande : « la barre à bâbord toute ! » Simultanément, Murdoch actionne le transmetteur d’ordre : « Stoppez les machines, en arrière toute. » Les mains cramponnées à la rambarde, le premier officier distingue maintenant parfaitement l’énorme masse grisâtre. Pendant des secondes interminables, rien ne se produit. Le Titanic ne réagit pas. Le choc semble inévitable. Lentement, très lentement, l’étrave se déplace vers la gauche, suffisamment pour que l’obstacle soit évité, du moins en partie.

L’avant du Titanic heurte, ou plutôt racle l’iceberg, qui défile ensuite tout le long de la coque en faisant pleuvoir sur la plage avant une grêle de petits blocs de glace. Choc à peine perceptible à bord. Murdoch fait fermer les cloisons étanches. Dans les fonds, des lumières rouges s’allument, des sonneries retentissent. En quelques secondes, les lourdes portes d’acier s’abattent avec le claquement sec d’un couperet de guillotine.




Les conditions de navigation.
Il s'agit d'un secteur de l'Atlantique où se croisent le courant du Labrador et le Gulf Stream. Les zones en points noirs proches de Terre-Neuve correspondent à l'ensemble des icebergs signalés par différents navires au cours du mois précédent. Il ne s'agit pas de la concentration très inhabituelle d'icebergs rencontrée par le Titanic, dont le point de naufrage est repéré par le signe X


Le capitaine Smith est déjà là. Tout le monde se précipite alors sur le côté droit de la passerelle, sur l’aileron de manœuvre. L’énorme iceberg est déjà sur l’arrière. Il s’évanouit dans la nuit. Il devait avoir au moins une trentaine de mètres de haut, dominant les ponts. A bord, pratiquement personne n’a perçu le choc.

Le capitaine Smith demande à l’officier Boxhall de trouver le charpentier pour une inspection approfondie. Celui-ci est déjà aller inspecter les fonds et signale des dégâts inquiétants. On décide d’alerter l’ingénieur en chef. Andrews est dans son petit salon, perdu comme d’habitude dans ses notes et ses calculs. Il n’a rien remarqué, rien entendu. Il descend immédiatement et se rend compte de la gravité de la situation. L’eau pénètre à fond dans les deux premiers compartiments, chassant l’air avec violence. Dans le faux-pont, les postiers s’efforcent de sauver le deux cent sacs de courrier. Au bout de 5 minutes, ils ont de l’eau jusqu’aux genoux et doivent abandonner.

L’ingénieur remonte sur la passerelle, la mine sombre. « Le navire est perdu. » Le capitaine Smith manifeste un certain septicisme. Andrew explique. C’est très simple. Le Titanic peut survivre à l’invasion de deux compartiments principaux, à l’envahissement de deux, peut-être trois et même quatre compartiments avant, mais pas davantage. La collision avec l’iceberg a entraîné des voies d’eau dans les trois premiers compartiments, peut-être même dans le quatrième, en tous cas sûrement dans le sixième compartiment des chaufferies. Les cloisons étanches ne dépassant pas le pont E ou à la rigueur le pont D, il est facile de prévoir la suite. Avec l’invasion progressive des cinq premiers compartiments, l’avant va s’enfoncer de plus en plus et l’eau, passant par-dessus les cloisons, inondera le cinquième, puis le quatrième compartiment des chaufferies. C’est mathématique. Il n’y a rien à faire. Les pompes ne feront que retarder l’échéance.

« Pour combien de temps le bateau en a-t-il ? » Andrew effectue un rapide calcul mental. « Une heure, une heure et demie peut-être. » Il est minuit dix. L’eau a commencé à pénétrer dans les chaufferies et dans certaines coursives de troisième classe, situées à l’avant. Il faut évacuer le navire.

Smith prend ses décisions. Il fait porter une note à l’ingénieur principal. Le contenu en est simple. Couvrir les feux, chasser la vapeur pour éviter une explosion des chaudières, maintenir suffisamment de pression cependant pour les dynamos, fournir l’énergie nécessaire aux pompes, à l’éclairage et au poste de TSF. Il demande ensuite à ses officiers de faire préparer les embarcations. Les stewards devront faire monter les passagers sur le pont.

Puis Smith se rend au poste de TSF, pour faire expédier le signal de détresse. Philips vient de passer toute la soirée à transmettre les télégrammes des passagers à la station de Cape Code, sur Terre-Neuve, avec laquelle le Titanic est maintenant en relation. « C.Q.D ? » demande l’opérateur Phillips. « Oui, C.Q.D » Aussitôt l’opérateur saisit le manipulateur. Il est minuit quinze.

« MGY (indicatif du Titanic) MGY MGY. C.Q.D. C.Q.D. C.Q.D. Venez immédiatement. Avons touché un iceberg. Position 41.44N. 50.24 W. Demande secours. » Le message est répété à six reprises.

Au même moment commence l’évacuation des passagers. Aucune panique. Les officiers survivants reconnaîtront après coup qu’ils s’étaient refusé à croire pendant près d’une heure et demie à la disparition du bateau. L’ingénieur mécanicien lui-même estime pouvoir contrôler les voies d’eau grâce à l’usage des pompes.

Toutes les dix minutes, le commandant Smith, qui suit les opérations d’évacuation, se rend au poste de TSF. Les nouvelles ne sont pas bonnes. Trois navires ont répondu aux messages de détresse, le Frankfurt, le Carpathia, et par une ironie de l’histoire, l’Olympic, le bateau-frère du Titanic. Le second est à 68 milles, soit quatre heures de route. Quant à l’Olympic, il est à 513 milles… Smith invite alors Phillips à lancer le nouveau signal de détresse prévu par la conférence de Berlin de 1906. A 0h45, intervient le premier S.O.S. de l’histoire.


Le Carpathia.

Le Carpathia est un paquebot déjà ancien, appartenant à la Cunard, la compagnie anglaise concurrente de la White Star.

Le Mount Temple, qui reçoit aussi l'appel, se trouve un peu plus près, mais à l'opposé de la zone de pack par rapport au Titanic.

Il y a d’autres navires plus ou moins proches du Titanic, mais ceux-là ne maintiennent la veille TSF que dans la journée, au plus tard jusqu’à 23h00. Ils seront avertis par le Carpathia au matin, dès qu’ils reprendront l’écoute.

Le plus proche est le Californian, qui ne se trouve qu’à 19 milles (34 km) mais son radio a quitté l’écoute. A cette distance, dans une nuit sans brume, il devrait apercevoir les fusées de détresse du Titanic. Mais le Californian est bloqué par les glaces.




Position des autres navires au moment du naufrage.

Le Californian se trouve au nord du Titanic. La zone de pack est figurée par des points. Il s'y trouve des icebergs à la dérive, mais le Carpathia en rencontrera également. Le Carpathia - plus bas et à droite sur la carte - se trouve à 58 milles (environ 100 km) au sud-ouest du Titanic.





Le nid de pie : Il s’agit d’une nacelle ouverte, installée sur le mat, à 30 m au dessus de la passerelle.

Le charpentier : : Pas de structure en bois sur le Titanic. Le nom, traditionnel, date de la marine à voile. Il s’agit du responsable de l’entretien et de la réparation de la structure et de la coque.

Les sacs de courrier : le Titanic est (aussi) un bateau postal, d’où le sigle « RMS Titanic » : Royal Mail Ship. Cette fonction a permis de justifier la forte subvention allouée par le gouvernement britannique pour la construction des trois « super-liners » - Olympic, Titanic et Gigantic – en réponse à la concurrence allemande.

le bateau-frère : Les Anglo-saxons disent « sister ship » Un bateau, un navire, est le seul objet que les anglais mettent au féminin. Un bateau est une lady ! (Il est possible que cette tradition ait persisté dans l’aéronautique. En tous cas, elle existait avec les avions de la RAF.)

Bloqué par les glaces : Le cas du Californian fait l’objet d’une polémique, qui dure… depuis 1912. Certitude : tous les rescapés ont affirmé avoir vu les lumières d’un grand navire proche. Certains canots ont même tenté de le rejoindre à la rame. On sait aussi que le Californian a rencontré du pack – zone de mer gelée – et aperçu des icebergs ce soir-là. Au moment du drame, il n’était pas à l’arrêt, mais avançait à faible vitesse.

Le commandant du navire, un certain Lord, a été violemment mis en cause après le drame. De fait, son comportement prudent contraste avec celui du commandant du Carpathia, qui a pris tous les risques pour arriver au plus tôt, et évité de justesse plusieurs icebergs, alors qu’il fonçait à sa vitesse maximale.

Mais le capitaine Lord a trouvé des défenseurs. Il est possible qu’il ait assisté au drame sans rien y comprendre. (Dans ces parages, les bateaux des Terre-Neuvas utilisaient souvent des fusées pour rappeler leurs canots éloignés sur les bancs de pêche.) Certains ont également contesté que le navire aperçu depuis le Titanic ait pu être le Californian. Il n’est d’ailleurs pas totalement exclu que d’autres navires – en particulier un petit cargo, transportant de la marchandise de contrebande - ait pu se trouver à proximité. En tous cas, depuis 1912, il existe des « lordistes » et des « anti-lordistes.»

la concentration très inhabituelle d'icebergs rencontrée par le Titanic :
Le Titanic a reçu différents messages signalant la présence d'icebergs. Le message le plus précis signalait des glaces en arrière de son chemin. (Par contre, un message signalant de la glace sur son avant a été transmis avec retard au capitaine Smith.) En réalité le Titanic s'est heurté à un champ d'icebergs à la dérive, phénomène climatique exceptionnel sur la route de l'Atlantique Nord. Jusque-là jamais une telle concentration n'avait été signalée.

A suivre : 6. l’évacuation.


Edité le 24-01-2010 à 10:53:15 par Pierma




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   Posté le 27-11-2009 à 10:22:50   Voir le profil de Pierma (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Pierma   

Audrey a écrit :

Comment quoi, XXIe siècle ou pas, armada technologique ou pas, nous aurons toujours des zones d'ombre, des mystères non élucidés, dans tel ou tel domaine. Et je pense qu'il vaut mieux en dire "tant mieux" (la connaissance totale nous lasserait bien vite...)

Oh oui ! Si on savait tout sur tout, on s'ennuierait à périr !

Sans compter que le LPMA n'aurait plus de raison d'être...

A périr, je vous dis.

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   Posté le 06-12-2009 à 16:23:00   Voir le profil de Audrey (Offline)   Répondre à ce message   http://lepetitmondedaudrey.alloforum.com/   Envoyer un message privé à Audrey   

Merci, Pierma, pour cette nouvelle page sur le drame du Titanic.

Après sa lecture, une question me turlupine :
pourquoi le capitaine Smith a-t-il attendu jusqu'à 0h45 pour lancer le "vrai" S.O.S. ??
Si, au lieu d'envoyer d'abord toute une série de "C.Q.D.", le S.O.S. avait été diffusé tout de suite, cela aurait fait gagner un temps précieux pour la venue des navires les plus proches.

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   Posté le 07-12-2009 à 09:12:23   Voir le profil de Pierma (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Pierma   

Audrey a écrit :

Après sa lecture, une question me turlupine :
pourquoi le capitaine Smith a-t-il attendu jusqu'à 0h45 pour lancer le "vrai" S.O.S. ??
Si, au lieu d'envoyer d'abord toute une série de "C.Q.D.", le S.O.S. avait été diffusé tout de suite, cela aurait fait gagner un temps précieux pour la venue des navires les plus proches.

Tout d'abord, le signal CQD était à cette époque le signal connu de tous. Tous les opérateurs radio le connaissaient : il signale d'abord qu'un bateau réclame l'écoute. Selon deux modalités :

- CQ : message important. L'opérateur réclame l'écoute, et le silence sur la ligne. (tout le trafic "radio" entre les postes de TSF des bateaux se fait sur la même fréquence. En quelque sorte, tout le monde parle en même temps, mais c'est pour signaler des choses intéressant les autres, ou pour faire relayer des messages longue distance par le bateaux les mieux équipés.)

- CQD : message important et urgent. Un bateau réclame l'écoute parce qu'il est en difficulté. On ne l'utilisait pas à tout bout de champ.

- le SOS est un signal inédit. Il ne signifie pas, comme beaucoup le pensaient alors, "Save Our Souls" (nos âmes) ou "Save Our Ship". Il a été choisi pour sa simplicité en code Morse. 3 traits, 3 points, 3 traits. Il vient d'être défini comme signal international, et le Titanic sera le premier bateau à l'utiliser.

Mais l'essentiel n'est pas là : il faut surtout remarquer que le premier message du capitaine Smith ne mentionne pas que le Titanic est en train de couler. "Avons heurté un iceberg.", rien de plus.

Pendant ces 45 mn, l'évacuation commence dans le calme. Dans les fonds, on a relevé les cloisons étanches des compartiments qui ne sont pas touchés. L'officier mécanicien pense pouvoir sauver le bateau à l'aide des pompes.

De fait, l'estimation de l'ingénieur Andrews est pessimiste : 1h30. Le Titanic va couler en 2h30.

Je pense qu'au bout de 45 mn, Smith se rend compte de l'importance des voies d'eau, de la vitesse à laquelle l'eau monte dans les compartiments inondés, et comprend que le bateau est perdu.

Ce n'est qu'une hypothèse, mais on peut penser qu'au tout début, le capitaine Smith partageait un peu l'incrédulité de ses officiers.


Edité le 07-12-2009 à 09:13:11 par Pierma




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   Posté le 17-12-2009 à 20:56:31   Voir le profil de Audrey (Offline)   Répondre à ce message   http://lepetitmondedaudrey.alloforum.com/   Envoyer un message privé à Audrey   

Pierma a écrit :

Mais l'essentiel n'est pas là : il faut surtout remarquer que le premier message du capitaine Smith ne mentionne pas que le Titanic est en train de couler. "Avons heurté un iceberg.", rien de plus.

...pourtant, il se doutait déjà que des dégâts importants (même s'il en sous-estimait l'étendue) avaient été occasionnés. Ce message ne risquait pas, malheureusement, de mettre les autres navires en alerte...

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   Posté le 18-12-2009 à 22:22:48   Voir le profil de Pierma (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Pierma   

Audrey a écrit :


...pourtant, il se doutait déjà que des dégâts importants (même s'il en sous-estimait l'étendue) avaient été occasionnés. Ce message ne risquait pas, malheureusement, de mettre les autres navires en alerte...

C'est tout le problème. Il sous-estimait les dégâts.

Il faut dire que la première estimation de l'ingénieur Andrews est trop pessimiste. Et Smith commande le navire le mieux protégé qui ait jamais été construit.

Il doit y avoir une première demi-heure où l'officier mécanicien estime pouvoir maintenir le navire à flot avec les pompes et fait dans un premier temps remonter des estimations qui sont plus optimistes que celles de l'ingénieur naval. A bord, on doit se dire qu'Andrews surestime les dégâts.

Peur du ridicule ? D'annoncer que le bateau coule alors que ce n'est pas le cas, au risque de paniquer les familles à terre ?

Peut-être aussi : évaluation par un homme d'expérience qui croit davantage au flair de son officier mécanicien - un homme de mer comme lui - qu'aux calculs un peu théoriques de l'ingénieur concepteur. Que connaît-il des voies d'eau à bord d'un navire, cet ingénieur ?

On ne saura pas. Le capitaine Smith n'a pas survécu au naufrage.

Il faut noter qu'il a compris plus vite que ses officiers, malgré tout.

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   Posté le 18-12-2009 à 22:52:54   Voir le profil de Audrey (Offline)   Répondre à ce message   http://lepetitmondedaudrey.alloforum.com/   Envoyer un message privé à Audrey   

A croire que la méfiance est toujours de mise face à un ingénieur...

Cela dit, on peut tout à fait comprendre que ces deux "hommes de la mer d'expérience" (capitaine et mécanicien) aient pu mettre en doute les paroles d'un "simple" concepteur qui n'avait peut-être jamais mis auparavant les pieds sur un navire de croisière... Entre théorie et pratique, leur choix leur a paru être le bon.

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   Posté le 22-12-2009 à 06:45:18   Voir le profil de Pierma (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Pierma   

Andrews n'était pas un simple concepteur : c'était un ingénieur exceptionnel et il connaissait bien le monde de la mer.

Mais je pense effectivement que ce réflexe a pu jouer : la méfiance des hommes "de terrain" envers l'homme "des bureaux." Surtout quand le début de crise semble lui donner tort.

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   Posté le 24-01-2010 à 21:48:25   Voir le profil de Pierma (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Pierma   

Le naufrage du Titanic - Vérité et légende


6. l’évacuation.





Il n’existe pas de photographie du naufrage du Titanic. Les photos du photographe professionnel embarqué à bord ont disparu dans le naufrage. A fortiori, aucune photo du Titanic en train de couler, prise depuis les canots. Le naufrage ayant eu lieu en pleine nuit, je laisse le soin au lecteur de déterminer le degré de vraisemblance des images et gravures qui illustrent cet épisode. On pourra s’amuser à y relever les erreurs et les invraisemblances.

Dans les fonds du navire l’officier mécanicien utilise les pompes (400 m3 à l’heure) pour endiguer les voies d’eau. Il obéit aussi à la consigne du capitaine Smith de couvrir les feux, tout en gardant quelques chaudières à vapeur sous pression, pour maintenir l’éclairage, la TSF et les pompes. Il réussira à éviter une évacuation dans le noir. Pour éviter aussi qu’une entrée d’eau de mer dans la salle des machines ne fasse éclater les chaudières surchauffées.

Les mécaniciens – on disait les chauffeurs : ils chargeaient le charbon dans les chaudières – commencent à ralentir les feux en y jetant des seaux d’eau. Jeu difficile et qui prend du temps. L’officier mécanicien fait donc chasser la vapeur en surpression : le vacarme causé par les sifflets d’évacuation déclenche les premiers signes d’inquiétude sur les ponts, où l’évacuation a commencé tranquillement. Pendant plus d’une heure, le hurlement de la sirène va ainsi marquer le chargement des canots d’un contrepoint sonore plutôt lugubre.

Pas d’affolement pour l’évacuation : dans les cabines de première classe, qui disposent chacune d’un steward, celui-ci prévient les passagers et les aide à s’habiller si nécessaire. En troisième classe – une vingtaine de cabines par steward – le réveil est moins cérémonieux : « Nous risquons un naufrage. Montez sur les ponts avec vos gilets de sauvetage. » La moitié de ces passagers ignorent ce qu’est un naufrage, et d’ailleurs ne parlent pas l’anglais. Ils vont encombrer les coursives en traînant leurs bagages. (Toute leur fortune, souvent, pour ces immigrants.) La plupart mourront. Sujet de polémique, aujourd’hui encore.

Dans les étages inférieurs, quelques stewards aidés de matelots s’efforcent de canaliser les passagers vers les issues de la plage arrière. Ils se heurtent à une foule de gens dont la plupart ne parlent pas anglais. Déjà, au pied des escaliers, l’eau monte inexorablement. Certains passagers se perdent dans le dédale des coursives. Ils se heurtent à des portes verrouillées ou à d’autres que des matelots maintiennent entrebâillées, ne laissant passer que les femmes et les enfants.

Par dizaines maintenant, les passagers arrivent sur le pont des embarcations, au milieu d’un vacarme effroyable : par les conduits des trois cheminées, la vapeur sous pression relâchée par la salle des machines hurle comme les sifflets d’une vingtaine de locomotives sous la verrière d’une gare.

Pour le moment, aucune panique, aucune inquiétude. Tout le monde a le sentiment de vivre une aventure, ou plutôt d’obéir à une lubie, un souci de prudence excessif du commandant. Le Titanic ne peut pas couler. Personne ne remarque qu’il commence à s’enfoncer légèrement de l’avant, avec une légère gite sur tribord. Les officiers eux-mêmes restent confiants. Lightoller, Boxman, Lowe reconnaîtront après le drame qu’ils s’étaient refusés pendant près d’une heure et demie à croire à la disparition du bateau.

De toute manière, le Titanic ne peut manquer d’être secouru. A bâbord, à 3 ou 4 milles, on aperçoit distinctement les feux d’un navire. Avec deux feux blancs superposés, il s’agit d’un vapeur et nullement d’un voilier. Par moment le feu vert de tribord est visible. Boxhall tente d’entrer en contact en Morse visuel, à l’aide d’un projecteur. Sans réponse, il finit par lâcher des fusées de détresse. La première fusée de détresse provoque une rumeur d’inquiétude parmi les passagers groupés sur les ponts.

Tout à l’heure, certains canots feront force de rame en direction de ce bateau, avant de le voir s’éloigner derrière l’horizon.

A 0h45, le capitaine Smith lance le premier SOS de l’Histoire. Presque au même instant, les sirènes des 3 cheminées se taisent. Un silence surprenant, anormal, oppressant s’établit. Nuit noire, mer noire et immobile sous un plafond clair rempli d’étoiles. Nuit très particulière, qui sera celle du Titanic.

A tribord, Murdoch commande l’évacuation. Il invite femmes et enfants à monter à bord des embarcations. Elles ne se bousculent pas, craignant cette longue descente le long de la coque. Malgré leur réticence, il parvient à mettre à l’eau trois canots, mais chargés au quart de leur capacité. Il faut dire que les matelots se montre maladroits dans la mise en œuvre des garants (les bras où défilent les cordes – on doit d’abord les orienter vers l’extérieur) et que la manœuvre de descente se révèle délicate : à la manivelle, il faut laisser glisser les cordes, à droite, un peu plus à gauche, ensemble… pour que l’embarcation reste horizontale pendant la descente et éviter qu’elle penche ou qu’elle verse. A Southampton, il n’y a eu qu’un vague exercice d’évacuation, et les matelots maîtrisent mal ce matériel.

A bâbord, Lightoller dirige les opérations. Là encore, il se heurte à la même appréhension des passagères et ne réussit pas à remplir ses premiers canots. 20 personnes sur 65 places pour le premier. Côté tribord, Murdoch fait preuve de plus de souplesse : il accepte des hommes à bord des canots et parvient à les remplir de façon plus satisfaisante. Ligtholler reste inflexible : les femmes et les enfants d’abord. Sur les ponts, les hommes restés seuls prennent une mine sombre et retournent se mettre au chaud. Il y a là quelques uns des hommes les plus riches et les plus connus des Etats-Unis : tous montreront un sang-froid impressionnant. Les « happy few » sauront mourir. (On dirait aujourd’hui : la jet-set. Celle-là sait elle encore ce qu’est l’honneur ?) Un exemple entre cent : Benjamin Guggenheim, héritier d’un empire industriel. Après le drame, sa mère fera le don de sa collection de peintures et d’œuvres d’art, pour fonder ce qui est aujourd’hui, à New York, le musée Guggenheim.


Le naufrage - maquette.



L’inquiétude monte à bord. La situation du bateau devient évidente : l’eau monte, il s’enfonce de façon visible : la mer atteint presque la plage avant. Dans les fonds, les mécaniciens comprennent que la fin est proche. Dans le brouillard épais provoqué par l’eau qu’on a jeté pour éteindre les chaudières bouillantes, ils s’efforcent de maintenir le débit des pompes. Les lampes n’arrivent plus à fouiller cette brume épaisse. Quelques minutes plus tard, dans un fracas épouvantable, la cloison cède et l’eau envahit la chaufferie. Les hommes n’ont que le temps d’escalader les échelles. Encore 30 mn et le compartiment 4 est atteint. Tout espoir est perdu. Andrews avait raison. Les mécaniciens, malgré la baisse constante de pression, réussissent cependant à maintenir assez d’énergie pour l’évacuation : les pompes et l’éclairage, indispensable pour évacuer les passagers qui encombrent encore certains couloirs.

Andrews, sans illusion dès le départ, sait se montrer efficace, actif. Il parcourt les salons, les fumoirs, rassemble les femmes et les enfants et les amène sur le pont. Le commandant Smith se rend plusieurs fois au centrale TSF, où les nouvelles sont toujours aussi peu encourageantes. On ne peut guère compter que sur un navire, le Carpathia, qui arrive hard , de toute la puissance de ses machines. Mais il ne sera pas là avant 4h00 du matin, au plus tôt.

La mise à l’eau des canots, maintenant chargés de 60 personnes, ne va pas sans incidents. Le canot 13 reste ainsi bloqué un moment à l’endroit ou jaillit l’eau d’un condenseur, arrosant les passagers et commençant à le remplir d’eau. Les marins de manœuvre le dégagent et le mettent à l’eau avec un peu de précipitation. A bord, les marins se montrent peu habiles à mettre en place les rames et à couper les cordages. Aucun d’eux ne saura utiliser la voile qui équipe tous les canots. Certains se montreront désagréables avec les passagers, dont certains, au contraire, feront preuve d’une autorité certaine. Sur le pont, Lowe doit maintenant sortir son revolver pour faire reculer un groupe d’hommes qui tente d’occuper un canot en bousculant femmes et enfants.


Les canots s’éloignent du navire.


Une fois au large, les occupants découvrent avec effroi la situation réelle du Titanic. Les superstructures sont éclairées, on le distingue parfaitement et il n’y a aucun doute : le navire agonise. Si tous les ponts sont encore visibles, l’inclinaison est impressionnante. A hauteur de l’étrave, l’eau a envahi toute la plage avant et arrive maintenant au pied de la passerelle.

Le géant n’a plus que quelques dizaines de minutes à vivre. Il n’y a plus que les canots entoilés, fixés sur le pont supérieur. (On dit : les radeaux, parce qu’ils ne disposent pas de voile.) 3 canots sont mis à l’eau sans trop de difficulté. On ne parvient pas à dégager la fixation du dernier, lorsqu’une vague providentielle précipite en pleine mer le canot et les passagers affairés. L’officier Lightoller, ainsi balayé, pourra dire ensuite qu’il n’a pas quitté le navire mais que c’est le navire qui l’a quitté. Ces passagers vont passer une nuit terrible dans un radeau à moitié rempli d’eau. Certains, simplement accrochés au radeau mourront.




C’est la fin. L’avant du grand navire plonge. On entend des détonations fracassantes, sans doute des cloisons qui explosent sous l’effet de la pression. Sous les yeux effarés des survivants, il se dresse à 45°, l’arrière en l’air, Avant de disparaître en quelques secondes.

Mais ce qui va hanter les survivants, à peine le navire disparu, c’est ce cri général, cet appel au secours des passagers restés à bord, et soudain plongés dans l’eau glacé. « A moi, au secours, aidez-nous… » Ce cri de ceux qui meurent, aucun des passagers ne l’oubliera.



Et pourtant un seul canot, osera retourner sur les lieux pour essayer de sauver des victimes. Les autres restent prudemment à l’écart. Il faut dire que l’imaginaire de l’époque est plein d’images de canots de secours assiégés et renversés par des naufragés.

Quelques hommes très robustes réussissent à nager quelques centaines de mètres et à atteindre un canot. Un ou deux de ces hommes y meurent de froid ou d’épuisement.

C’est fini. Il est 2h30, le Titanic a sombré. Le Carpathia est encore à 1h30 de route, au minimum. Les passagers, dont certains sont restés peu vêtus (une veste sur un pyjama.) s’organisent pour passer la nuit à bord des canots. La plupart des passagers vont la passer à ramer.





une évacuation dans le noir : Lorsque l’éclairage s’éteint à bord du Titanic, tous les canots sont déjà à la mer. C’est quelques minutes avant le naufrage.

Sujet de polémique : Les passagers de la 3ème classe assassinés par la ségrégation sociale ?
En réalité, commencer l’évacuation par les premières classes était logique compte-tenu de la configuration du navire. – Les canots se trouvent sur un des ponts les plus hauts, dans la partie centrale du navire. Et les hommes de la 1ère classe ont payé un tribut à l’honneur suffisamment lourd pour qu’on n’instruise pas ce procès. J’ai déjà dit que le taux de survie le plus choquant se trouvait parmi les membres d’équipage. (Avant la fin de l’évacuation, le capitaine Smith a rendu leur liberté, et souhaité bonne chance, à tous les matelots. Tous ceux qui n’étaient pas affectés au chargement des canots et à leur manœuvre de descente.)

les femmes et les enfants : j’ai déjà signalé que cette consigne était à l’origine du sous-emploi des premiers canots. Le total des canots pouvait contenir bien davantage que les femmes et les enfants figurant parmi les passagers. De plus, les femmes, au début de l’évacuation, hésitaient à monter à bord des embarcations. (30 m au dessus du niveau de l’eau !) Ainsi les premiers canots, évacuant les premières classes, sont partis à moitié vide. A tribord, cette consigne a été maintenue tant qu’il y a eu des femmes et des enfants présents en nombre. L’officier responsable à bâbord s’est montré plus souple et a complété les canots avec des passagers masculins.

Un bateau est visible : Je l’ai dit, il s’agit sans doute du Californian, empêtré dans les glaces quelques milles au nord. D’autres noms de navires ont surgi depuis – un navire contrebandier, entre autres – sans dédouaner réellement le capitaine Lord pour son manque d’initiative. La version la plus favorable pour lui indique que lui-même et ses officiers auraient assisté au drame de loin, sans rien y comprendre, ce qui est possible. Commencée en 1912, la polémique sur son cas affronte encore aujourd’hui les pro et les anti-Lordistes.



J’aime bien cette phrase, titre d’un livre de Jean-Noël Jeanneney : « Une idée fausse constitue un fait réel. » Il me semble qu’une des clés du drame du Titanic est l’idée fausse qu’il est insubmersible. Pendant près d’une heure, tout le monde agit comme si c’était une certitude.


A suivre : 7. le sauvetage.


Edité le 24-01-2010 à 21:53:36 par Pierma




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   Posté le 25-01-2010 à 20:14:13   Voir le profil de Audrey (Offline)   Répondre à ce message   http://lepetitmondedaudrey.alloforum.com/   Envoyer un message privé à Audrey   

Merci, Pierma, pour cette nouvelle page de l'histoire du Titanic.

Après ton récit, on en arrive à se demander combien de personnes supplémentaires auraient pu être sauvées :
- si les premiers canots n'avaient pas été descendus incomplets
- et si les canots étaient revenus pour repêcher quelques naufragés...

On peut aussi repenser au nombre insuffisant de canots pour un tel navire.

Mais, comme tu l'as si bien écrit, l'idée fausse de l'insubmersibilité du Titanic aura fortement ralenti le remplissage et la mise à l'eau des canots.
Dans ce drame, on a cumulé les pertes de temps, à tous les niveaux, parce que tous étaient persuadés qu'un tel navire était indestructible : la publicité faite dans ce sens avait trop bien marqué les esprits...

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   Posté le 27-01-2010 à 09:19:39   Voir le profil de Pierma (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Pierma   

La commission d'enquête a souligné aussi le manque d'exercice d'évacuation et la maladresse des marins non entraînés à la mise à l'eau des canots.

C'est un facteur de timidité supplémentaire qui a conduit à se satisfaire au début de canots à peine chargés.

Mais là encore la croyance "le Titanic ne peut pas couler" a joué : à quoi bon faire des exercices d'entraînement à l'évacuation ?

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   Posté le 29-01-2010 à 22:37:05   Voir le profil de Audrey (Offline)   Répondre à ce message   http://lepetitmondedaudrey.alloforum.com/   Envoyer un message privé à Audrey   

Pierma a écrit :

Mais là encore la croyance "le Titanic ne peut pas couler" a joué : à quoi bon faire des exercices d'entraînement à l'évacuation ?

Si je ne m'abuse, c'est devenu obligatoire pour tout navire, depuis... et heureusement. Par définition, tout navire peut avoir des défaillances, et mieux vaut prévenir !

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   Posté le 30-01-2010 à 23:06:04   Voir le profil de Pierma (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Pierma   

Vu la taille des paquebots les plus récents, comme le Queen Mary II, qui doit embarquer près de 4000 passagers, on peut espérer que les exercices d'entraînement sont faits dans les règles.

De plus, le type et la nature des canots de sauvetage ont évolué : il s'agit d'embarcations de grande taille, pratiquement insubmersibles, même par gros temps. Et il y a suffisamment de canots pour tout le monde.

Mais je l'ai dit, l'expérience a démontré depuis 1912 qu'il était bien rare qu'un naufrage laisse le temps ou la possibilité de mettre tous les canots à la mer. De ce point de vue, le Titanic est presque une exception : un navire qui coule à plat, par mer calme et en 2h30 est un cas idéal. Et pourtant ce temps s'est révélé insuffisant pour mettre à l'eau les canots disponibles. (le dernier canot a été arraché de ses supports par une vague.)

Au total, on peut se demander ce qui ce passerait dans le cas du naufrage d'une ville flottante comme le Queen Mary II.

La réponse des ingénieurs navals est sensiblement la même qu'en 1912 : c'est la sécurité du navire qui a été améliorée. Compartimentage complet, utilisation de matériaux ininflammables pour tous les équipements intérieurs, etc... Il faudrait vraiment un événement catastrophe pour en venir à bout. Il faut ajouter à cela l'utilisation du radar et la possibilité de prévenir rapidement les bateaux voisins.

Franchement, à part une collision majeure en pleine tempête, je vois mal comment une catastrophe de l'ampleur de celle du Titanic pourrait se reproduire.

Il me semble d'ailleurs que depuis 10 ou 30 ans les catastrophes maritimes ont surtout concernés des ferrys, qui sont chargés à bloc et que leur structure de parkings en étage empêche de compartimenter parfaitement.

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   Posté le 16-02-2010 à 09:43:43   Voir le profil de Pierma (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Pierma   

Le naufrage du Titanic - Vérité et légende


7. le sauvetage.





Une longue nuit d’attente et d’angoisse a commencé pour les passagers des embarcations. Les bateaux dérivent sur une mer toujours aussi plate. Perdus dans leurs pensées, écrasés par le choc, ils restent généralement silencieux. Le sort le plus dramatique est celui des occupants des deux radeaux arrachés du pont supérieur par une lame. A bord de l’embarcation A, une trentaine de passagers dont une femme réussissent finalement à prendre place. Jusqu’à l’aube, ils vont dériver sur cette embarcation à moitié submergée, avec de l’eau jusqu’à la taille. Par moments, ils chanteront pour se donner des forces et se réconforter.

Le sort du radeau B est pire encore. Lui aussi sert de refuge à une trentaine de nageurs qui ont réussi à se hisser sur la coque de l’embarcation complètement retournée. Parmi eux, les deux opérateurs radio Philips et Bride, dont l’un mourra d’épuisement au cours de la nuit. Le deuxième officier Lightoller figure également parmi les occupants. Enlevé du Titanic par la lame, il a connu un moment affreux. Pendant une ou deux minutes interminables, il a été aspiré et littéralement collé contre le fragile grillage d’un des ventilateurs du pont, s’attendant à être entraîné brutalement dans les profondeurs du bateau où l’eau s’engouffrait. Une énorme bulle d’air l’a par miracle brutalement refoulé en direction de la surface. Il a réussi à gagner le radeau à la nage et à s’y agripper.

Le chef du service boulangerie, un certain Charles Joughin, a absorbé une bouteille complète de whisky, avant de nager 2 heures au hasard et de tomber par chance sur un canot. Aucune séquelle ne lui restera de cet effort et de cette cuite monumentale.

A bord d’un des canots, un passager sait que son destin a basculé. Il s’agit du patron de la White Star, Bruce Ismay. A bout de nerfs, il a embarqué dans un des derniers canots. L’homme sait qu’il est voué à l’opprobre pour le reste de ses jours. (Il ne se trompe pas. Couvert d’accusations infamantes et d’insultes par les journaux, il finira sa vie dans un château retiré en Irlande.)

Dans la nuit, certains marins réussissent à trouver et allumer la lanterne de bord. Certains canots peuvent ainsi se regrouper et naviguer ensemble, ce qui augmente leurs chances d’être retrouvés. La plus grande crainte des passagers est que les bateaux de secours ne les trouvent pas.

Le plus rapide est le Carpathia. Au contraire du Californian, plus proche, et dont le comportement paraîtra toujours suspect, celui-ci fait preuve d’un véritable esprit de décision, qui va éviter bien des affres aux naufragés à la dérive.

Tout d’abord, son capitaine a donné l’ordre de pousser les feux. Il a fait descendre aux machines un maximum de chauffeurs et de mécaniciens, qui se relaient devant les chaudières surchauffées pour obtenir le maximum de puissance. A la surprise générale, le vieux Carpathia dépasse sa vitesse maximale de 13 nœuds pour atteindre jusqu’à 15 nœuds. Le capitaine Rostron a doublé le nombre des vigies à la proue et fait allumer des projecteurs. A deux reprises le Carpathia doit inverser ses machines et virer à fond pour éviter la collision avec un iceberg et le sort du Titanic.

Rostron organise également son navire pour accueillir un maximum de rescapés, dont il ignore le nombre. Il mobilise les stewards pour faire évacuer un maximum de cabines, dont les passagers sont déplacés en surnombre vers des cabines occupées. Il fait monter des lits supplémentaires, des couvertures, fait préparer des rations alimentaires et du thé. Il installe également un local d’infirmerie provisoire, prévoyant des passagers blessés ou malades de froid. Enfin il fait équiper son bord pour pouvoir hisser les passagers des canots. On place des filets de cordes près du bastingage, ainsi que des fauteuils sur palans pour les passagers âgés ou malades.

Il est encore nuit lorsque le Carpathia arrive sur les lieux du naufrage. Pour les passagers des canots, ce sont les feux du navire qui apparaissent puis commencent à grossir dans l’obscurité. On fait force de rame dans sa direction, ce qui va simplifier la tâche du Carpathia.

Le jour se lève au moment où le navire arrive. A la stupeur générale, les premières lueurs de l’aube découvrent un spectacle magnifique, féérique. De tous côtés, à perte de vue, la mer est parsemée d’icebergs de toute taille, qui jettent des lueurs dorées aux premiers rayons du soleil. Certains ont près de 100 mètres de haut. Vers l’ouest, là où le ciel est encore sombre, se dessine une immense banquise dont on ne distingue pas les limites. Une légère brise se lève alors. La mer se creuse mettant à rude épreuve les canots et les radeaux les plus lourdement chargés. Quant au Carpathia, il se met au vent : il arrête ses machines. Les opérations de sauvetage commencent.


Des canots s'approchent du Carpathia.


Un premier canot s’approche. C’est avec stupeur que les marins et les passagers du Carpathia contemplent ces rescapés muets, silencieux, les traits tirés, revêtus de leur gilets de sauvetage. A 4h10, la première rescapée, Mlle Elisabeth Arden, monte à bord. Elle est suivie par le premier officier Boxhall, qui confirme à la passerelle : « le Titanic est au fond ? » demande Rostron. « Oui » répond Boxhall, d’une voix brisée par la fatigue et l’émotion : « il a disparu vers 2h30. »

Lentement, péniblement, les canots éparpillés sur un rayon de 2 à 3 milles se rapprochent du Carpathia. L’officier Lowe, le seul qui ait tenté cette nuit de sauver des hommes à la mer (il a pu en trouver 3, au milieu d’un océan couvert de cadavres, un seul survivra) fait toujours preuve de la même efficacité : il intervient au secours du radeau A. Il ne reste plus qu’une douzaine de survivants, toujours dans l’eau jusqu’aux genoux. Lowe les fait monter dans son canot.
Avec la houle qui vient de se lever, le radeau B renversé ne flotte que par miracle. Tirant son sifflet, Lightoller hèle impérativement les deux embarcations les plus proches. A grand-peine, le transfert s’effectue à bord des canots 12 et 4. Epuisés, les survivants du radeau n’ont qu’une peur : retomber une seconde fois à la mer. Toujours semblable à lui-même, Joughins n’a pas ces appréhensions : c’est à la nage qu’il rejoint le Carpathia.


Un des quatre radeaux.


Sur le pont du Carpathia, les survivants commencent à s’entasser. Le spectacle de ces passagers à peine habillés, qui avait tant amusé les stewards et les matelots du Titanic, à un moment où on ne croyait pas encore à la catastrophe prend maintenant une consonance tragique. C’est toujours le même défilé d’hommes et de femmes dans les tenues les plus inattendues, pyjama, chemises de nuit, robe de chambre, manteau de fourrure. Dans leur immense majorité ils se taisent, hésitant entre le rire et les larmes, la joie et le désespoir. Bruce Ismay est l’un des plus pathétiques : jusque-là il cru, ou voulu croire, que la plupart des passagers avaient été embarqués. En proie à une violente dépression nerveuse, il est confiné dans une cabine par le médecin du bord qui lui administre des calmants à base d’opium.

Avec plus de 700 survivants à bord, Rostron prend une série de décisions. Il récupère 13 canots du Titanic, autant qu’il peut en enlever. En contact TSF avec l’Olympic, qui se trouve encore à plus de 300 milles, il écarte l’idée d’un transfert des survivants à bord du sister-ship du Titanic. Pour ces gens profondément traumatisés, ce transfert sur un navire rigoureusement identique pourrait avoir un effet psychologique désastreux. Il fait cabler 3 messages, qui sont relayés par le puissant émetteur de l’Olympic : le premier adressé à sa propre compagnie, la Cunard, indiquant qu’il rebrousse chemin et retourne à New York déposer les rescapés, le deuxième à la White Star, pour l’informer de l’ampleur de la catastrophe et le dernier à l’agence Associated Press. Le nom des rescapés suivra.

Rostron parcourt ensuite le lieu du naufrage. Des débris, des fauteuils, des gilets de sauvetage surnagent à la surface. A la surprise générale, on n’aperçoit qu’un seul cadavre : les morts du Titanic ont disparu. D’autres navires arrivant sur les lieux n’en trouveront pas davantage. On ignore à la suite de quel phénomène les corps ont disparu dans l’eau glacée. Ont-ils été recouverts par la banquise qui s’est formée dans la nuit ? On ne sait…

En tous cas, à bord du Carpathia, les survivants reçoivent un accueil inoubliable. Des passagers offrent spontanément aux femmes des cabines plus confortables, une caisse de secours est ouverte, on leur fournit des vêtements chauds et des rechanges. Par un temps variable, neige, brume, pluie, éclaircie, le voyage s’effectue sans encombre. Le Carpathia arrive à New York 4 jours plus tard.






A suivre : 8. un retentissement mondial.


Edité le 16-02-2010 à 09:45:16 par Pierma




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   Posté le 14-05-2010 à 23:14:09   Voir le profil de Audrey (Offline)   Répondre à ce message   http://lepetitmondedaudrey.alloforum.com/   Envoyer un message privé à Audrey   

Un grand merci, Pierma, pour cette nouvelle page d'Histoire, toujours aussi bien contée et toujours aussi précise.
Je la découvre tardivement, mille excuses.

Ce phénomène des corps des victimes, sur place, qui ont purement et simplement disparus est assez surprenante. Oui, on peut penser que la banquise les a fait prisonniers, bien que cela paraisse rapide...
A-t-on trouvé, depuis, une réponse à cette énigme ?

En tous cas, une chose est certaine : sans la rapidité et le bon sens du capitaine du Carpathia, le nombre des victimes aurait été bien plus élevé.
Cet homme a visiblement pensé à tout, préparé avec minutie le repêchage des rescapés. Je suppose qu'il aura, par la suite, reçu les félicitations qu'il méritait amplement.

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   Posté le 02-06-2010 à 12:52:10   Voir le profil de Pierma (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Pierma   

Audrey a écrit :


Ce phénomène des corps des victimes, sur place, qui ont purement et simplement disparus est assez surprenante. Oui, on peut penser que la banquise les a fait prisonniers, bien que cela paraisse rapide...
A-t-on trouvé, depuis, une réponse à cette énigme ?

Non, pas à ma connaissance. Par la suite, un bateau a retrouvé un corps dérivant à plusieurs centaines de km, mais rien d'autre.

Citation :

En tous cas, une chose est certaine : sans la rapidité et le bon sens du capitaine du Carpathia, le nombre des victimes aurait été bien plus élevé.
Cet homme a visiblement pensé à tout, préparé avec minutie le repêchage des rescapés. Je suppose qu'il aura, par la suite, reçu les félicitations qu'il méritait amplement.

C'est un aspect du drame auquel on ne pense jamais, mais cet homme a fait plus que son devoir.

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