Sujet :

Promenade d'un amour solitaire (nouvelle poétique)

dujreve
   Posté le 14-12-2007 à 19:18:13   

Bonjour,

je vous mets le début d'une de mes nouvelles poétiques, inspirée par deux poèmes que j'ai écrits (et publiés), racontant la même histoire mais vue par deux narrateurs différents : l'un est acteur, l'autre est spectateur de l'action.

La nouvelle est racontée principalement par le second narrateur, mais je vous laisse la découvrir... Bonne lecture !

PS: cette nouvelle n'est pas publiée, contrairement aux poèmes.

J.D.





PROMENADE D’UN AMOUR SOLITAIRE

Ce fut vraiment un instant unique. Ne serait-ce que le parfum environnant. Inconnu jusqu’alors et disparu dorénavant. Ce moment-là n’arrive qu’une fois dans la vie de chacun d’entre nous. Encore faut-il qu’il ait l’occasion de se produire, car la chance ne nous sourit pas à tous. Mais je pense qu’elle ne frappe pas au hasard non plus.
J’ai assisté à cela sans toutefois pouvoir y prendre part. Simple spectateur d’un événement qui a bouleversé la vie de deux êtres. Sortis de leur monotonie, d’un quotidien lassant mais auquel on reste toutefois attachés tant que ne surgit une puissance capable de le briser.
De nos jours, la vie n’est plus que l’enchaînement de gestes et d’actions préprogrammés destinés à maintenir un équilibre dans la société. Ces attitudes nous sont transmises par notre environnement et quiconque refuse cet engrenage s’expose à la répression, la dénonciation, l’exclusion. Cependant, il demeure un composant de nos existences qu’aucune donnée, qu’aucune loi ne pourra jamais contrôler.
Imaginez un peuple, une civilisation perdue et détruite par trop de trahisons. Un effondrement soudain et spectaculaire, victime du temps qui passe. Les plus forts survivront à ce cataclysme et ils rebâtiront des bases plus solides, établiront de nouvelles institutions. C’est une renaissance qui s’opère alors. Et c’est là que tout change. Entre les cendres et les murs nouveaux, il y a une lumière. Particulière, si belle car unique dans l’existence de chacun. L’homme se croit à l’aube d’une nouvelle ère, il se trouve en fait face à l’aurore. Paradis éphémère où les certitudes naissent des doutes. Le soleil ne brûle plus de ses flammes, il éclaire de ses rayons.
Imaginez maintenant la pauvreté d’une âme déçue par la vie, desservie par la chance et qui, chaque jour qui passe, côtoie le malheur et la souffrance. Offrez à ce coeur vide et brûlé la fraîcheur d’un amour sincère et fulgurant. Amenez-le à l’aurore de sa vie alors qu’il s’en imaginait au crépuscule.
Je ne serais pas aussi calme et posé, si je parlais de moi. Mais j’ai assisté à cette métamorphose. Un regard si clair ne tromperait pas le plus aveugle des naïfs. Lorsque j’ai vu ce jeune homme sur le chemin, entre deux fossés de fleurs, bordés de prairies blanchies par la rosée, j’ai réalisé que ce à quoi j’allais assister serait extraordinaire. Chaque brin d’herbe semblait couvert de larmes, les fleurs ouvraient leur coeur, et les cailloux que balayait chacun de ses pas roulaient à terre telle une berceuse pour nous ensorceler. Ses yeux fixaient le néant, la tête ballante et les mains fraîches, il avançait à contretemps comme si le temps, justement, n’avait plus d’importance.
Il ne me voyait pas, et moi, transi par l’ambiance étrange qui régnait, je n’osais pas lui adresser la parole. Il est vrai également que je ne le connaissais pas. Le soleil commença alors à poindre à l’horizon, derrière les collines qui surplombaient les prés. Sa chaleur me caressa doucement et éveilla en moi le désir d’en savoir plus sur l’inconnu. Alors que je m’apprêtais à lui adresser la parole, c’est lui qui s’avança vers moi et me dit, l’air de rêver :
“- Je sais ce qu’est l’amour... Je l’ai en moi pour toujours, et puis à présent le partager.”
Comme s’il m’avait senti venir, il m’avait devancé. C’est sa spontanéité qui m’a ému et l’a laissé se confier à moi. Je n’ai pas cherché à l’éviter, bien au contraire. Ses premiers mots ont convaincu mon coeur de se plonger dans ce bonheur éphémère puisqu’il ne m’appartenait pas. Et pourtant, que l’on sache que je n’avais qu’un désir : c’était m’approprier ce grand sourire, refoulé du plus profond de son coeur.
Comme ces douces mélodies dont la nature sait quelques fois nous bercer, il commença à me raconter son histoire :

... à suivre...
J
   Posté le 24-05-2008 à 09:38:15   

Allez ! La suite ! Je veux connaître la suite !
Perso, j'aime beaucoup, parce que ça change de ce que je lis tout le temps !
C'était cool.


Et j'aimerais une suite !
dujreve
   Posté le 25-05-2008 à 18:11:29   

“Ma vie n’était qu’une tempête dont le naufrage avait eu lieu à ma naissance. De déboires en déboires, j’accumulais les déceptions. Mon père ? Il a quitté la maison quand j’avais huit ans. Je ne l’ai jamais revu. Ma mère a collectionné les amants par la suite, sans jamais se remarier. Que pouvait-elle avoir à faire que de s’occuper de son fils unique ? Il me semble que depuis le départ de mon père, depuis dix ans, je n’ai jamais serré ma mère dans mes bras. Personne d’autre, d’ailleurs, non plus. J’ai pratiquement vécu seul, partagé entre la mort et le désir d’en savoir plus sur la vie. C’est ce dernier qui m’a amené jusqu’à hier... Hier, où je suis mort et né à la fois. La peine m’a abandonné, le bonheur s’est engouffré dans mon coeur, l’a regonflé et le voilà qui bat plus fort que mille tambours. Il m’a pourtant fallu l’obscurité la plus totale pour entrevoir la lumière.
Je ne sais pas comment je me suis retrouvé à cet endroit, sous les spots et les lumières, la musique aussi forte, et ce bruit... Ce bruit, ce vacarme si usant. Au milieu de ce kaléidoscope, j’étais comme une étoile au milieu du ciel, perdu et faisant partie du décors. Tu sais, des types comme moi, déprimé, avec un cafard énorme, on en croise souvent dans ce genre de soirée. C’est triste et banal, mais c’est comme ça.
Je n’avais qu’une seule envie : fuir. Mais mes jambes étaient si lourdes, ma tête si pesante, je n’arrivais même plus à bouger. En fait, s’il n’y avait pas eu cette bagarre, je crois que je serais encore là-bas à cette heure, tourmenté par mon malheur. Mais la tournure des événements m’a contraint à sortir et prendre l’air, même si ce dernier m’asphyxiait par sa pureté... C’est curieux mais, il a fallu que je m’assoie sur le bord du trottoir pour que l’amour vienne à moi, sans faire de bruit, contrastant de fait avec la soirée. M’imitant, sûrement aussi perdue que moi, mais probablement pas autant lassée par l’existence, une fille s’assit à mes côtés. C’est le sourire qu’elle m’a lancé en m’adressant la parole qui me fait dire ça. “Ils sont vraiment idiots de se battre, en plus à propos d’une fille.” Je lui demandai alors machinalement de quelle fille il s’agissait et, tout naturellement, elle me répondit : “De moi.” Je ne la regardais pas vraiment, son sourire m’était apparu dans l’obscurité, mais elle continua : “Ils veulent tous les deux sortir avec moi... Mais ils ne m’intéressent pas... Tu te battrais pour sortir avec une fille ?” Toujours plongé dans mon désarroi et à peine attentif à ce qu’elle me disait, je lui répondis toutefois : “Je ne sais pas ce que c’est d’être...” Je m’arrêtai alors subitement, car je venais de tourner la tête et pour la première fois nos deux regards venaient de se croiser. “Que d’être quoi ?” me demanda-t-elle, intriguée. J’ai longtemps hésité avant de répondre. “Je ne sais pas ce que c’est que d’être amoureux” : Voilà ce que je voulais lui répondre. Mais en un instant tout avait changé. Je ne pouvais évidemment être sûr de rien à ce moment-là, mais je sentais que mon coeur se remettait à battre, tout doucement. Aussi, dans un élan d’improvisation incroyable de ma part, je lui lançai : “D’être bourré, j’ai jamais été bourré...” Elle se mit alors à rire de façon si belle, si angélique que mon coeur s’éleva plus haut que jamais. En même temps, j’avais senti que le regard qu’elle portait sur moi avait changé. Ce n’était plus de la compassion mais de la tendresse. “Tu n’as jamais aimé de fille, c’est ça que tu as essayé de me dire, n’est-ce pas ?” Sa façon de lire dans mes pensées m’a déconcerté. Je ne savais plus quoi dire. Elle avait mieux lu dans mon coeur que moi-même je ne saurais le faire. C’est cela qui m’a étonné, me mettant à nu tout d’un coup. “L’amour... Aimer... Je ne sais pas ce que ça veut dire.” Elle me prit alors les mains et me regarda, droit dans les yeux, pendant... Si longtemps que je ne saurais donner la moindre idée de temps. C’est l’amour qui s’est éveillé en moi en même temps qu’en elle. Seulement j’ai eu du mal à le découvrir... Jusqu’à maintenant.”
J
   Posté le 26-08-2008 à 12:19:44   

Oulà, j't'avais demandé une suite mais chui drôlement en retard !
Casse pas la tête, j'ai pas d'excuses.
Mais j'aime beaucoup, en fait, c'est encore mieux qu'avant. Tu décris super bien ses sentiments, c'est impressionnant, je trouve. Si j'pouvais faire ça... J'aimerais beaucoup pouvoir faire ça.

Enfin, toujours est-il ; bravo, et une continuité ne serait pas de refu.
Gracias.
J
   Posté le 26-08-2008 à 12:24:21   

Dois bien y avoir encore un pt'it paragraphe ?
dujreve
   Posté le 07-12-2008 à 20:14:34   

Pardon, je viens de retrouver le chemin du petit monde d'Audrey

Voilà la fin de la nouvelle :


En effet, jusqu’à maintenant, où l’amour semblait s’être incarné en lui. Il n’avait rien oublié de tous ses malheurs, seulement aujourd’hui il savait comment les mettre de côté et éviter ceux à venir. C’est un simple regard qui lui a fait comprendre la signification du mot confiance. C’est impossible à décrire comme à expliquer. Je l’ai vu comme un mort verrait le paradis, s’il en est un. Jamais il ne m’avait aveuglé, il brillait de mille feux mais il s’apparentait plus à un soleil qu’à un éclair. Un soleil de bonheur, voilà ce qu’il était.
Il a mis du temps avant de pouvoir nommer ce qu’il avait ressenti. Il s’était tout à coup retrouvé dans l’inconnu, sorti d’un cauchemar, baignant à présent dans un rêve dont il n’eut jamais pu soupçonner l’existence.
Je l’ai alors regardé se baisser et cueillir une fleur. “Que fais-tu ?” lui ai-je demandé en m’approchant. “J’essaie de réchauffer mon coeur. Mes pensées du passé l’ont refroidi. Mais je ne veux pas que tout disparaisse. Je veux juste que mes vieux démons comprennent qu’ils sont vaincus par l’amour. Je veux... Je veux qu’ils sachent que c’est grâce à deux yeux que j’ai découvert le sentiment amoureux, et cela pour toujours. J’en suis convaincu.”
Je n’osais l’avouer car je sentais bien que c’était déjà trop d’honneur de pouvoir assister à cela, mais mon seul et unique souhait à ce moment-là était de m’approprier son grand sourire, ce bonheur qu’il me communiquait. Je l’enviais autant qu’il me fascinait. Rien de ce qui se passait là n’était normal. C’était une face bien cachée de l’homme qui venait d’être dévoilée : La communion parfaite de deux âmes, de deux coeurs, portés par la même ivresse, la même raison d’être. Je restai transi de béatitude devant un tel spectacle, comme le fidèle l’est face à l’incarnation de sa divinité. Il représentait l’amour parfait tel qu’on ne peut l’imaginer plus pur et plus innocent : Rencontré par hasard, apprécié à sa juste valeur et communiqué avec force.
Beaucoup d’images de ma vie me passèrent par la tête, mes aventures, mes histoires que je croyais sérieuses, puissantes, extraordinaires et qui, d’un coup ne devenaient plus que banalités, faits divers et échecs. Mais l’environnement de cet instant m’empêcha de m’attarder sur ces tristes pensées, tant tout respirait le bonheur partout où je posais les yeux. Nous marchions vers l’inconnu, sans but ni parole, profitant de chaque seconde...
Elle est arrivée à ce moment-là mais n’a en rien perturbé cet instant de magie inoubliable. Elle n’a fait qu’accroître la force que dégageait l’amour autour de nous. Je restais figé devant ce spectacle de deux êtres s’aimant et pouvant s’aimer. Pourtant je n’en oubliais pas ma propre existence et je me disais qu’ils avaient de la chance. A partir de là, je ne pouvais que souhaiter qu’ils soient conscients de cette chance et la partagent avec quiconque en aurait besoin.
Pour lui, je ne me faisais pas de soucis. Mais elle, je la connaissais trop peu pour pouvoir prétendre quoi que ce soit sur la façon dont elle allait user de cette chance. C’est à ce moment que je l’ai vu pleurer. “J’ai eu du mal à comprendre...” confessa-t-il. Et moi qui ne savais rien, je me mis à lui expliquer qu’il ne fallait rien rater de tout ce qui lui arrivait, qu’il devait remettre ses idées en place afin de retrouver une douceur naturelle pour son visage. “Tu es comme moi... me dit-il, ta façon de parler me berce comme cet amour que je serre dans mes bras.” Je ne lui répondis rien et, après qu’ils s’en furent allés le long du chemin, je vis disparaître cette ambiance si belle qui régnait en leur présence. La nature reprit ses couleurs monotones et l’herbe ne chanta plus. Les arbres s’étaient rendormis et le chemin semblait à nouveau poussiéreux. Le mirage était passé, emportant avec lui toute la beauté qu’il avait installée un court instant.
Seul le soleil qui commençait à distiller ses rayons à travers la campagne entendit la réponse que je n’avais pas osé lui donner : “J’aimerais être comme toi, profiter d’une vie qui jusqu’alors m’avait abandonné. Tout ce que je veux, ce que je souhaite, ce que j’espère, c’est qu’une fille saisisse mon coeur avant qu’il ne disparaisse, qu’enfin j’oublie toutes les rancoeurs qu’à jamais la vie me laisse...”
J’aimerais être ce promeneur solitaire et amoureux, et non plus celui qui le rencontre...
J
   Posté le 12-12-2008 à 19:56:53   

J'aime beaucoup, Bravo !
dujreve
   Posté le 13-12-2008 à 11:46:26   

Merci !

Je l'ai écrite il y a un bon bout de temps, mais j'étais content d'avoir su allier ainsi poésie et récit.

A l'origine, ce texte est constitué de deux poèmes :

Promenade d'un amour solitaire et Rencontre d'un promeneur solitaire et amoureux.

Le narrateur principal du récit est celui du second poème, qui rencontre le narrateur du 1er poème, l'amoureux.

Voilà !