Le Petit Monde d'Audrey
 
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Pierma
Audrey a écrit :


Ce phénomène des corps des victimes, sur place, qui ont purement et simplement disparus est assez surprenante. Oui, on peut penser que la banquise les a fait prisonniers, bien que cela paraisse rapide...
A-t-on trouvé, depuis, une réponse à cette énigme ?

Non, pas à ma connaissance. Par la suite, un bateau a retrouvé un corps dérivant à plusieurs centaines de km, mais rien d'autre.

Citation :

En tous cas, une chose est certaine : sans la rapidité et le bon sens du capitaine du Carpathia, le nombre des victimes aurait été bien plus élevé.
Cet homme a visiblement pensé à tout, préparé avec minutie le repêchage des rescapés. Je suppose qu'il aura, par la suite, reçu les félicitations qu'il méritait amplement.

C'est un aspect du drame auquel on ne pense jamais, mais cet homme a fait plus que son devoir.
Audrey
Un grand merci, Pierma, pour cette nouvelle page d'Histoire, toujours aussi bien contée et toujours aussi précise.
Je la découvre tardivement, mille excuses.

Ce phénomène des corps des victimes, sur place, qui ont purement et simplement disparus est assez surprenante. Oui, on peut penser que la banquise les a fait prisonniers, bien que cela paraisse rapide...
A-t-on trouvé, depuis, une réponse à cette énigme ?

En tous cas, une chose est certaine : sans la rapidité et le bon sens du capitaine du Carpathia, le nombre des victimes aurait été bien plus élevé.
Cet homme a visiblement pensé à tout, préparé avec minutie le repêchage des rescapés. Je suppose qu'il aura, par la suite, reçu les félicitations qu'il méritait amplement.
Pierma
Le naufrage du Titanic - Vérité et légende


7. le sauvetage.





Une longue nuit d’attente et d’angoisse a commencé pour les passagers des embarcations. Les bateaux dérivent sur une mer toujours aussi plate. Perdus dans leurs pensées, écrasés par le choc, ils restent généralement silencieux. Le sort le plus dramatique est celui des occupants des deux radeaux arrachés du pont supérieur par une lame. A bord de l’embarcation A, une trentaine de passagers dont une femme réussissent finalement à prendre place. Jusqu’à l’aube, ils vont dériver sur cette embarcation à moitié submergée, avec de l’eau jusqu’à la taille. Par moments, ils chanteront pour se donner des forces et se réconforter.

Le sort du radeau B est pire encore. Lui aussi sert de refuge à une trentaine de nageurs qui ont réussi à se hisser sur la coque de l’embarcation complètement retournée. Parmi eux, les deux opérateurs radio Philips et Bride, dont l’un mourra d’épuisement au cours de la nuit. Le deuxième officier Lightoller figure également parmi les occupants. Enlevé du Titanic par la lame, il a connu un moment affreux. Pendant une ou deux minutes interminables, il a été aspiré et littéralement collé contre le fragile grillage d’un des ventilateurs du pont, s’attendant à être entraîné brutalement dans les profondeurs du bateau où l’eau s’engouffrait. Une énorme bulle d’air l’a par miracle brutalement refoulé en direction de la surface. Il a réussi à gagner le radeau à la nage et à s’y agripper.

Le chef du service boulangerie, un certain Charles Joughin, a absorbé une bouteille complète de whisky, avant de nager 2 heures au hasard et de tomber par chance sur un canot. Aucune séquelle ne lui restera de cet effort et de cette cuite monumentale.

A bord d’un des canots, un passager sait que son destin a basculé. Il s’agit du patron de la White Star, Bruce Ismay. A bout de nerfs, il a embarqué dans un des derniers canots. L’homme sait qu’il est voué à l’opprobre pour le reste de ses jours. (Il ne se trompe pas. Couvert d’accusations infamantes et d’insultes par les journaux, il finira sa vie dans un château retiré en Irlande.)

Dans la nuit, certains marins réussissent à trouver et allumer la lanterne de bord. Certains canots peuvent ainsi se regrouper et naviguer ensemble, ce qui augmente leurs chances d’être retrouvés. La plus grande crainte des passagers est que les bateaux de secours ne les trouvent pas.

Le plus rapide est le Carpathia. Au contraire du Californian, plus proche, et dont le comportement paraîtra toujours suspect, celui-ci fait preuve d’un véritable esprit de décision, qui va éviter bien des affres aux naufragés à la dérive.

Tout d’abord, son capitaine a donné l’ordre de pousser les feux. Il a fait descendre aux machines un maximum de chauffeurs et de mécaniciens, qui se relaient devant les chaudières surchauffées pour obtenir le maximum de puissance. A la surprise générale, le vieux Carpathia dépasse sa vitesse maximale de 13 nœuds pour atteindre jusqu’à 15 nœuds. Le capitaine Rostron a doublé le nombre des vigies à la proue et fait allumer des projecteurs. A deux reprises le Carpathia doit inverser ses machines et virer à fond pour éviter la collision avec un iceberg et le sort du Titanic.

Rostron organise également son navire pour accueillir un maximum de rescapés, dont il ignore le nombre. Il mobilise les stewards pour faire évacuer un maximum de cabines, dont les passagers sont déplacés en surnombre vers des cabines occupées. Il fait monter des lits supplémentaires, des couvertures, fait préparer des rations alimentaires et du thé. Il installe également un local d’infirmerie provisoire, prévoyant des passagers blessés ou malades de froid. Enfin il fait équiper son bord pour pouvoir hisser les passagers des canots. On place des filets de cordes près du bastingage, ainsi que des fauteuils sur palans pour les passagers âgés ou malades.

Il est encore nuit lorsque le Carpathia arrive sur les lieux du naufrage. Pour les passagers des canots, ce sont les feux du navire qui apparaissent puis commencent à grossir dans l’obscurité. On fait force de rame dans sa direction, ce qui va simplifier la tâche du Carpathia.

Le jour se lève au moment où le navire arrive. A la stupeur générale, les premières lueurs de l’aube découvrent un spectacle magnifique, féérique. De tous côtés, à perte de vue, la mer est parsemée d’icebergs de toute taille, qui jettent des lueurs dorées aux premiers rayons du soleil. Certains ont près de 100 mètres de haut. Vers l’ouest, là où le ciel est encore sombre, se dessine une immense banquise dont on ne distingue pas les limites. Une légère brise se lève alors. La mer se creuse mettant à rude épreuve les canots et les radeaux les plus lourdement chargés. Quant au Carpathia, il se met au vent : il arrête ses machines. Les opérations de sauvetage commencent.


Des canots s'approchent du Carpathia.


Un premier canot s’approche. C’est avec stupeur que les marins et les passagers du Carpathia contemplent ces rescapés muets, silencieux, les traits tirés, revêtus de leur gilets de sauvetage. A 4h10, la première rescapée, Mlle Elisabeth Arden, monte à bord. Elle est suivie par le premier officier Boxhall, qui confirme à la passerelle : « le Titanic est au fond ? » demande Rostron. « Oui » répond Boxhall, d’une voix brisée par la fatigue et l’émotion : « il a disparu vers 2h30. »

Lentement, péniblement, les canots éparpillés sur un rayon de 2 à 3 milles se rapprochent du Carpathia. L’officier Lowe, le seul qui ait tenté cette nuit de sauver des hommes à la mer (il a pu en trouver 3, au milieu d’un océan couvert de cadavres, un seul survivra) fait toujours preuve de la même efficacité : il intervient au secours du radeau A. Il ne reste plus qu’une douzaine de survivants, toujours dans l’eau jusqu’aux genoux. Lowe les fait monter dans son canot.
Avec la houle qui vient de se lever, le radeau B renversé ne flotte que par miracle. Tirant son sifflet, Lightoller hèle impérativement les deux embarcations les plus proches. A grand-peine, le transfert s’effectue à bord des canots 12 et 4. Epuisés, les survivants du radeau n’ont qu’une peur : retomber une seconde fois à la mer. Toujours semblable à lui-même, Joughins n’a pas ces appréhensions : c’est à la nage qu’il rejoint le Carpathia.


Un des quatre radeaux.


Sur le pont du Carpathia, les survivants commencent à s’entasser. Le spectacle de ces passagers à peine habillés, qui avait tant amusé les stewards et les matelots du Titanic, à un moment où on ne croyait pas encore à la catastrophe prend maintenant une consonance tragique. C’est toujours le même défilé d’hommes et de femmes dans les tenues les plus inattendues, pyjama, chemises de nuit, robe de chambre, manteau de fourrure. Dans leur immense majorité ils se taisent, hésitant entre le rire et les larmes, la joie et le désespoir. Bruce Ismay est l’un des plus pathétiques : jusque-là il cru, ou voulu croire, que la plupart des passagers avaient été embarqués. En proie à une violente dépression nerveuse, il est confiné dans une cabine par le médecin du bord qui lui administre des calmants à base d’opium.

Avec plus de 700 survivants à bord, Rostron prend une série de décisions. Il récupère 13 canots du Titanic, autant qu’il peut en enlever. En contact TSF avec l’Olympic, qui se trouve encore à plus de 300 milles, il écarte l’idée d’un transfert des survivants à bord du sister-ship du Titanic. Pour ces gens profondément traumatisés, ce transfert sur un navire rigoureusement identique pourrait avoir un effet psychologique désastreux. Il fait cabler 3 messages, qui sont relayés par le puissant émetteur de l’Olympic : le premier adressé à sa propre compagnie, la Cunard, indiquant qu’il rebrousse chemin et retourne à New York déposer les rescapés, le deuxième à la White Star, pour l’informer de l’ampleur de la catastrophe et le dernier à l’agence Associated Press. Le nom des rescapés suivra.

Rostron parcourt ensuite le lieu du naufrage. Des débris, des fauteuils, des gilets de sauvetage surnagent à la surface. A la surprise générale, on n’aperçoit qu’un seul cadavre : les morts du Titanic ont disparu. D’autres navires arrivant sur les lieux n’en trouveront pas davantage. On ignore à la suite de quel phénomène les corps ont disparu dans l’eau glacée. Ont-ils été recouverts par la banquise qui s’est formée dans la nuit ? On ne sait…

En tous cas, à bord du Carpathia, les survivants reçoivent un accueil inoubliable. Des passagers offrent spontanément aux femmes des cabines plus confortables, une caisse de secours est ouverte, on leur fournit des vêtements chauds et des rechanges. Par un temps variable, neige, brume, pluie, éclaircie, le voyage s’effectue sans encombre. Le Carpathia arrive à New York 4 jours plus tard.






A suivre : 8. un retentissement mondial.


Edité le 16-02-2010 à 09:45:16 par Pierma


Pierma
Vu la taille des paquebots les plus récents, comme le Queen Mary II, qui doit embarquer près de 4000 passagers, on peut espérer que les exercices d'entraînement sont faits dans les règles.

De plus, le type et la nature des canots de sauvetage ont évolué : il s'agit d'embarcations de grande taille, pratiquement insubmersibles, même par gros temps. Et il y a suffisamment de canots pour tout le monde.

Mais je l'ai dit, l'expérience a démontré depuis 1912 qu'il était bien rare qu'un naufrage laisse le temps ou la possibilité de mettre tous les canots à la mer. De ce point de vue, le Titanic est presque une exception : un navire qui coule à plat, par mer calme et en 2h30 est un cas idéal. Et pourtant ce temps s'est révélé insuffisant pour mettre à l'eau les canots disponibles. (le dernier canot a été arraché de ses supports par une vague.)

Au total, on peut se demander ce qui ce passerait dans le cas du naufrage d'une ville flottante comme le Queen Mary II.

La réponse des ingénieurs navals est sensiblement la même qu'en 1912 : c'est la sécurité du navire qui a été améliorée. Compartimentage complet, utilisation de matériaux ininflammables pour tous les équipements intérieurs, etc... Il faudrait vraiment un événement catastrophe pour en venir à bout. Il faut ajouter à cela l'utilisation du radar et la possibilité de prévenir rapidement les bateaux voisins.

Franchement, à part une collision majeure en pleine tempête, je vois mal comment une catastrophe de l'ampleur de celle du Titanic pourrait se reproduire.

Il me semble d'ailleurs que depuis 10 ou 30 ans les catastrophes maritimes ont surtout concernés des ferrys, qui sont chargés à bloc et que leur structure de parkings en étage empêche de compartimenter parfaitement.
Audrey
Pierma a écrit :

Mais là encore la croyance "le Titanic ne peut pas couler" a joué : à quoi bon faire des exercices d'entraînement à l'évacuation ?

Si je ne m'abuse, c'est devenu obligatoire pour tout navire, depuis... et heureusement. Par définition, tout navire peut avoir des défaillances, et mieux vaut prévenir !
Pierma
La commission d'enquête a souligné aussi le manque d'exercice d'évacuation et la maladresse des marins non entraînés à la mise à l'eau des canots.

C'est un facteur de timidité supplémentaire qui a conduit à se satisfaire au début de canots à peine chargés.

Mais là encore la croyance "le Titanic ne peut pas couler" a joué : à quoi bon faire des exercices d'entraînement à l'évacuation ?
Audrey
Merci, Pierma, pour cette nouvelle page de l'histoire du Titanic.

Après ton récit, on en arrive à se demander combien de personnes supplémentaires auraient pu être sauvées :
- si les premiers canots n'avaient pas été descendus incomplets
- et si les canots étaient revenus pour repêcher quelques naufragés...

On peut aussi repenser au nombre insuffisant de canots pour un tel navire.

Mais, comme tu l'as si bien écrit, l'idée fausse de l'insubmersibilité du Titanic aura fortement ralenti le remplissage et la mise à l'eau des canots.
Dans ce drame, on a cumulé les pertes de temps, à tous les niveaux, parce que tous étaient persuadés qu'un tel navire était indestructible : la publicité faite dans ce sens avait trop bien marqué les esprits...
Pierma
Le naufrage du Titanic - Vérité et légende


6. l’évacuation.





Il n’existe pas de photographie du naufrage du Titanic. Les photos du photographe professionnel embarqué à bord ont disparu dans le naufrage. A fortiori, aucune photo du Titanic en train de couler, prise depuis les canots. Le naufrage ayant eu lieu en pleine nuit, je laisse le soin au lecteur de déterminer le degré de vraisemblance des images et gravures qui illustrent cet épisode. On pourra s’amuser à y relever les erreurs et les invraisemblances.

Dans les fonds du navire l’officier mécanicien utilise les pompes (400 m3 à l’heure) pour endiguer les voies d’eau. Il obéit aussi à la consigne du capitaine Smith de couvrir les feux, tout en gardant quelques chaudières à vapeur sous pression, pour maintenir l’éclairage, la TSF et les pompes. Il réussira à éviter une évacuation dans le noir. Pour éviter aussi qu’une entrée d’eau de mer dans la salle des machines ne fasse éclater les chaudières surchauffées.

Les mécaniciens – on disait les chauffeurs : ils chargeaient le charbon dans les chaudières – commencent à ralentir les feux en y jetant des seaux d’eau. Jeu difficile et qui prend du temps. L’officier mécanicien fait donc chasser la vapeur en surpression : le vacarme causé par les sifflets d’évacuation déclenche les premiers signes d’inquiétude sur les ponts, où l’évacuation a commencé tranquillement. Pendant plus d’une heure, le hurlement de la sirène va ainsi marquer le chargement des canots d’un contrepoint sonore plutôt lugubre.

Pas d’affolement pour l’évacuation : dans les cabines de première classe, qui disposent chacune d’un steward, celui-ci prévient les passagers et les aide à s’habiller si nécessaire. En troisième classe – une vingtaine de cabines par steward – le réveil est moins cérémonieux : « Nous risquons un naufrage. Montez sur les ponts avec vos gilets de sauvetage. » La moitié de ces passagers ignorent ce qu’est un naufrage, et d’ailleurs ne parlent pas l’anglais. Ils vont encombrer les coursives en traînant leurs bagages. (Toute leur fortune, souvent, pour ces immigrants.) La plupart mourront. Sujet de polémique, aujourd’hui encore.

Dans les étages inférieurs, quelques stewards aidés de matelots s’efforcent de canaliser les passagers vers les issues de la plage arrière. Ils se heurtent à une foule de gens dont la plupart ne parlent pas anglais. Déjà, au pied des escaliers, l’eau monte inexorablement. Certains passagers se perdent dans le dédale des coursives. Ils se heurtent à des portes verrouillées ou à d’autres que des matelots maintiennent entrebâillées, ne laissant passer que les femmes et les enfants.

Par dizaines maintenant, les passagers arrivent sur le pont des embarcations, au milieu d’un vacarme effroyable : par les conduits des trois cheminées, la vapeur sous pression relâchée par la salle des machines hurle comme les sifflets d’une vingtaine de locomotives sous la verrière d’une gare.

Pour le moment, aucune panique, aucune inquiétude. Tout le monde a le sentiment de vivre une aventure, ou plutôt d’obéir à une lubie, un souci de prudence excessif du commandant. Le Titanic ne peut pas couler. Personne ne remarque qu’il commence à s’enfoncer légèrement de l’avant, avec une légère gite sur tribord. Les officiers eux-mêmes restent confiants. Lightoller, Boxman, Lowe reconnaîtront après le drame qu’ils s’étaient refusés pendant près d’une heure et demie à croire à la disparition du bateau.

De toute manière, le Titanic ne peut manquer d’être secouru. A bâbord, à 3 ou 4 milles, on aperçoit distinctement les feux d’un navire. Avec deux feux blancs superposés, il s’agit d’un vapeur et nullement d’un voilier. Par moment le feu vert de tribord est visible. Boxhall tente d’entrer en contact en Morse visuel, à l’aide d’un projecteur. Sans réponse, il finit par lâcher des fusées de détresse. La première fusée de détresse provoque une rumeur d’inquiétude parmi les passagers groupés sur les ponts.

Tout à l’heure, certains canots feront force de rame en direction de ce bateau, avant de le voir s’éloigner derrière l’horizon.

A 0h45, le capitaine Smith lance le premier SOS de l’Histoire. Presque au même instant, les sirènes des 3 cheminées se taisent. Un silence surprenant, anormal, oppressant s’établit. Nuit noire, mer noire et immobile sous un plafond clair rempli d’étoiles. Nuit très particulière, qui sera celle du Titanic.

A tribord, Murdoch commande l’évacuation. Il invite femmes et enfants à monter à bord des embarcations. Elles ne se bousculent pas, craignant cette longue descente le long de la coque. Malgré leur réticence, il parvient à mettre à l’eau trois canots, mais chargés au quart de leur capacité. Il faut dire que les matelots se montre maladroits dans la mise en œuvre des garants (les bras où défilent les cordes – on doit d’abord les orienter vers l’extérieur) et que la manœuvre de descente se révèle délicate : à la manivelle, il faut laisser glisser les cordes, à droite, un peu plus à gauche, ensemble… pour que l’embarcation reste horizontale pendant la descente et éviter qu’elle penche ou qu’elle verse. A Southampton, il n’y a eu qu’un vague exercice d’évacuation, et les matelots maîtrisent mal ce matériel.

A bâbord, Lightoller dirige les opérations. Là encore, il se heurte à la même appréhension des passagères et ne réussit pas à remplir ses premiers canots. 20 personnes sur 65 places pour le premier. Côté tribord, Murdoch fait preuve de plus de souplesse : il accepte des hommes à bord des canots et parvient à les remplir de façon plus satisfaisante. Ligtholler reste inflexible : les femmes et les enfants d’abord. Sur les ponts, les hommes restés seuls prennent une mine sombre et retournent se mettre au chaud. Il y a là quelques uns des hommes les plus riches et les plus connus des Etats-Unis : tous montreront un sang-froid impressionnant. Les « happy few » sauront mourir. (On dirait aujourd’hui : la jet-set. Celle-là sait elle encore ce qu’est l’honneur ?) Un exemple entre cent : Benjamin Guggenheim, héritier d’un empire industriel. Après le drame, sa mère fera le don de sa collection de peintures et d’œuvres d’art, pour fonder ce qui est aujourd’hui, à New York, le musée Guggenheim.


Le naufrage - maquette.



L’inquiétude monte à bord. La situation du bateau devient évidente : l’eau monte, il s’enfonce de façon visible : la mer atteint presque la plage avant. Dans les fonds, les mécaniciens comprennent que la fin est proche. Dans le brouillard épais provoqué par l’eau qu’on a jeté pour éteindre les chaudières bouillantes, ils s’efforcent de maintenir le débit des pompes. Les lampes n’arrivent plus à fouiller cette brume épaisse. Quelques minutes plus tard, dans un fracas épouvantable, la cloison cède et l’eau envahit la chaufferie. Les hommes n’ont que le temps d’escalader les échelles. Encore 30 mn et le compartiment 4 est atteint. Tout espoir est perdu. Andrews avait raison. Les mécaniciens, malgré la baisse constante de pression, réussissent cependant à maintenir assez d’énergie pour l’évacuation : les pompes et l’éclairage, indispensable pour évacuer les passagers qui encombrent encore certains couloirs.

Andrews, sans illusion dès le départ, sait se montrer efficace, actif. Il parcourt les salons, les fumoirs, rassemble les femmes et les enfants et les amène sur le pont. Le commandant Smith se rend plusieurs fois au centrale TSF, où les nouvelles sont toujours aussi peu encourageantes. On ne peut guère compter que sur un navire, le Carpathia, qui arrive hard , de toute la puissance de ses machines. Mais il ne sera pas là avant 4h00 du matin, au plus tôt.

La mise à l’eau des canots, maintenant chargés de 60 personnes, ne va pas sans incidents. Le canot 13 reste ainsi bloqué un moment à l’endroit ou jaillit l’eau d’un condenseur, arrosant les passagers et commençant à le remplir d’eau. Les marins de manœuvre le dégagent et le mettent à l’eau avec un peu de précipitation. A bord, les marins se montrent peu habiles à mettre en place les rames et à couper les cordages. Aucun d’eux ne saura utiliser la voile qui équipe tous les canots. Certains se montreront désagréables avec les passagers, dont certains, au contraire, feront preuve d’une autorité certaine. Sur le pont, Lowe doit maintenant sortir son revolver pour faire reculer un groupe d’hommes qui tente d’occuper un canot en bousculant femmes et enfants.


Les canots s’éloignent du navire.


Une fois au large, les occupants découvrent avec effroi la situation réelle du Titanic. Les superstructures sont éclairées, on le distingue parfaitement et il n’y a aucun doute : le navire agonise. Si tous les ponts sont encore visibles, l’inclinaison est impressionnante. A hauteur de l’étrave, l’eau a envahi toute la plage avant et arrive maintenant au pied de la passerelle.

Le géant n’a plus que quelques dizaines de minutes à vivre. Il n’y a plus que les canots entoilés, fixés sur le pont supérieur. (On dit : les radeaux, parce qu’ils ne disposent pas de voile.) 3 canots sont mis à l’eau sans trop de difficulté. On ne parvient pas à dégager la fixation du dernier, lorsqu’une vague providentielle précipite en pleine mer le canot et les passagers affairés. L’officier Lightoller, ainsi balayé, pourra dire ensuite qu’il n’a pas quitté le navire mais que c’est le navire qui l’a quitté. Ces passagers vont passer une nuit terrible dans un radeau à moitié rempli d’eau. Certains, simplement accrochés au radeau mourront.




C’est la fin. L’avant du grand navire plonge. On entend des détonations fracassantes, sans doute des cloisons qui explosent sous l’effet de la pression. Sous les yeux effarés des survivants, il se dresse à 45°, l’arrière en l’air, Avant de disparaître en quelques secondes.

Mais ce qui va hanter les survivants, à peine le navire disparu, c’est ce cri général, cet appel au secours des passagers restés à bord, et soudain plongés dans l’eau glacé. « A moi, au secours, aidez-nous… » Ce cri de ceux qui meurent, aucun des passagers ne l’oubliera.



Et pourtant un seul canot, osera retourner sur les lieux pour essayer de sauver des victimes. Les autres restent prudemment à l’écart. Il faut dire que l’imaginaire de l’époque est plein d’images de canots de secours assiégés et renversés par des naufragés.

Quelques hommes très robustes réussissent à nager quelques centaines de mètres et à atteindre un canot. Un ou deux de ces hommes y meurent de froid ou d’épuisement.

C’est fini. Il est 2h30, le Titanic a sombré. Le Carpathia est encore à 1h30 de route, au minimum. Les passagers, dont certains sont restés peu vêtus (une veste sur un pyjama.) s’organisent pour passer la nuit à bord des canots. La plupart des passagers vont la passer à ramer.





une évacuation dans le noir : Lorsque l’éclairage s’éteint à bord du Titanic, tous les canots sont déjà à la mer. C’est quelques minutes avant le naufrage.

Sujet de polémique : Les passagers de la 3ème classe assassinés par la ségrégation sociale ?
En réalité, commencer l’évacuation par les premières classes était logique compte-tenu de la configuration du navire. – Les canots se trouvent sur un des ponts les plus hauts, dans la partie centrale du navire. Et les hommes de la 1ère classe ont payé un tribut à l’honneur suffisamment lourd pour qu’on n’instruise pas ce procès. J’ai déjà dit que le taux de survie le plus choquant se trouvait parmi les membres d’équipage. (Avant la fin de l’évacuation, le capitaine Smith a rendu leur liberté, et souhaité bonne chance, à tous les matelots. Tous ceux qui n’étaient pas affectés au chargement des canots et à leur manœuvre de descente.)

les femmes et les enfants : j’ai déjà signalé que cette consigne était à l’origine du sous-emploi des premiers canots. Le total des canots pouvait contenir bien davantage que les femmes et les enfants figurant parmi les passagers. De plus, les femmes, au début de l’évacuation, hésitaient à monter à bord des embarcations. (30 m au dessus du niveau de l’eau !) Ainsi les premiers canots, évacuant les premières classes, sont partis à moitié vide. A tribord, cette consigne a été maintenue tant qu’il y a eu des femmes et des enfants présents en nombre. L’officier responsable à bâbord s’est montré plus souple et a complété les canots avec des passagers masculins.

Un bateau est visible : Je l’ai dit, il s’agit sans doute du Californian, empêtré dans les glaces quelques milles au nord. D’autres noms de navires ont surgi depuis – un navire contrebandier, entre autres – sans dédouaner réellement le capitaine Lord pour son manque d’initiative. La version la plus favorable pour lui indique que lui-même et ses officiers auraient assisté au drame de loin, sans rien y comprendre, ce qui est possible. Commencée en 1912, la polémique sur son cas affronte encore aujourd’hui les pro et les anti-Lordistes.



J’aime bien cette phrase, titre d’un livre de Jean-Noël Jeanneney : « Une idée fausse constitue un fait réel. » Il me semble qu’une des clés du drame du Titanic est l’idée fausse qu’il est insubmersible. Pendant près d’une heure, tout le monde agit comme si c’était une certitude.


A suivre : 7. le sauvetage.


Edité le 24-01-2010 à 21:53:36 par Pierma


Pierma
Andrews n'était pas un simple concepteur : c'était un ingénieur exceptionnel et il connaissait bien le monde de la mer.

Mais je pense effectivement que ce réflexe a pu jouer : la méfiance des hommes "de terrain" envers l'homme "des bureaux." Surtout quand le début de crise semble lui donner tort.
Audrey
A croire que la méfiance est toujours de mise face à un ingénieur...

Cela dit, on peut tout à fait comprendre que ces deux "hommes de la mer d'expérience" (capitaine et mécanicien) aient pu mettre en doute les paroles d'un "simple" concepteur qui n'avait peut-être jamais mis auparavant les pieds sur un navire de croisière... Entre théorie et pratique, leur choix leur a paru être le bon.
 
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