Merci, Cocotruc, pour ces infos. :jap:
Pourquoi pas, après tout : là où la médecine actuelle ne peut rien, la médecine d\'autrefois reprend ses droits. C\'est de bonne guerre ! ;)');">
Ok, j'ignorais cette utilisation actuelle des sangsues.
Merci, Cocotruc, pour ces infos.
Pourquoi pas, après tout : là où la médecine actuelle ne peut rien, la médecine d'autrefois reprend ses droits. C'est de bonne guerre !
| La pêcheuse de sangsues Voilà un "métier" dont on entend peu parler lorsque l'on évoque le travail d'autrefois. C'est que, voyez-vous, il ne s'agit pas là d'une "profession", mais plutôt d'un moyen de subsistance à certaines époques laborieuses où tout le monde ne mangeait pas à sa faim... Il faut tout d'abord rappeler que bien des coins de France ont des marais, des étendues vaseuses, et que, qui dit étendues vaseuses, dit sangsues. Or, il fut une époque (du XVe siècle à ...pas si longtemps que ça !) où les sangsues étaient fort utilisées en médecine courante. Vers 1930, on appliquaient encore ces satanées bestioles en guise de saignée, afin de clarifier les "humeurs épaissies" : - une sangsue piquée sur chaque artère du cou, - une autre au pli de chaque bras, - 2 ou 3 dans le dos, sur les poumons, ...et même davantage en cas de malaise persistant ! Autant dire qu'il fallait aux pharmaciens (comme aux familles qui en conservaient souvent, en prévision, dans un bocal) un stock suffisamment conséquent de sangsues. Restait donc à s'approvisionner... Bien évidemment, pêcher des sangsues ne rapportaient guère ...mais c'était toujours mieux que rien pour qui devait courir après le pain du lendemain sans être jamais sûr de l'obtenir... C'était donc ceux que l'on appelait les "sans le sou" ou les familles disetteuses, qui s'aventuraient à cette "pêche au sang". Car il en fallait du courage pour pratiquer cette pêche si particulière ! Quelques rares hommes s'y adonnaient (à l'aide d'une puisette à long manche et donc en restant les pieds bien au sec sur le bord de l'étang). Mais c'étaient surtout de pauvres bougresses qui, pour gagner trois sous, laissaient leur santé au fond des marais. Et faute d'avoir quoi que ce soit d'autre, elles se servaient de leur corps comme unique appât ! Pour mieux comprendre le danger représenté par les sangsues, il suffit de savoir qu'à un taureau malencontreusement aventuré dans la vase, elles sont capables de retirer toute force. Si l'on ne retirait pas rapidement les satanées bestioles assoiffées de sang de ses pattes, c'était trop tard, disait-on... Malgré tout cela, un sou c'est un sou, et "pêcheuse de sangsues", cela permettait au moins de gagner ce minimum vital, pour soi ou pour ses enfants ...à condition de ne pas être douillette et de ne pas craindre les marques de suçons ! D'autant qu'une morsure de sangsue, ça vous meurtrit pour un sacré moment... La pêche aux sangsues se pratiquait à la belle saison, de début mai à la mi-octobre, car ces suceuses de sang ne sont guère abondantes les jours de canicule ou de grands vents. Très peu de ces "pêcheuses" étaient outillées. La plupart n'avaient d'autre moyen pour attraper les sangsues que de s'avancer dans le marais, les jupes retroussées sur les genoux. Elles piétinaient alors doucement le fond vaseux jusqu'à réveiller les sangsues qui y sommeillaient ...et attendaient que ces limaces aquicoles viennent s'attacher en grappes à leurs mollets. Autant de sangsues, autant de coups d'aiguilles, autant de vers accrochés aux mollets ...autant de pièces d'un sou à récupérer ensuite ...contre un peu de vie. C'était cela, la "pêche au sang", comme on la nommait par endroits. Un danger supplémentaire guettait ces malheureuses pêcheuses : au bout de quelques instants, les morsures paraissaient s'adoucir, comme une caresse troublante, qui annihilait toute réaction, toute prudence. Les sangsues faisaient leurs oeuvres ! Aussi fallait-il réagir vite si l'on voyait une de ces jeunes filles vaciller dans la vase, comme prise d'ivresse ou de vertige, l'esprit dans les nuages : l'urgence était alors de hisser la victime hors de l'étendue boueuse pour la libérer au plus vite de ses parasites visqueux. Une franche gorgée de vin achevait alors de la requinquer. Le vin était d'ailleurs indissociable des pêcheuses de sangsues. Car à force de saignées à répétées, il jouait un rôle de fortifiant non négligeable. Si l'on y ajoute la croyance qu'il "colorait les veines", et, donc attisait la voracité des suceuses de sang, la boucle est bouclée. Rien d'étonnant alors qu'on ait vu tant de jeunettes, le teint pâle, qui se pochardaient les matins de pataugeage dans les marais... Mais revenons à notre malheureuse pêcheuse de sangsue. Lorsqu'elle estimait sa prise de sangsue suffisante (c'est-à-dire, en réalité, lorsqu'elle arrivait à la limite de son endurance), elle regrimpait sur la berge, s'asseyait, et décollait une à une les sangsues de ses chairs, avant que celles-ci ne se gavent de sève humaine. Il lui suffisait de les saupoudrer d'une pincée de cendres, de les frotter avec un grain de sel ou de les arroser d'un jus de tabac. Les sangsues étaient déposées dans un pot de grès pour être amenées ensuite vers le bourg. Les acheteurs étaient soit le pharmacien, soit certaines mères de famille prévoyantes. Le pharmacien les payait autour d'un sou la pièce, selon la grosseur de la sangsue, et les séparait en 2 catégories : les énormes (les "sangsues-vache" ) et les petites (les "sangsues-filets" ). Il les transvasait ensuite dans des bocaux, selon les tailles, et les enfermait dans ses armoires. Loin de s'atténuer, la "pêche au sang" prit de l'essor dès les équarrisseurs s'y intéressèrent de près... en toute cruauté ! Leur idée fut de soutirer un ultime bénéfice sur le dos des chevaux fourbus que les métayers leur demandaient de tuer et de dépecer. Avant d'abattre l'animal, ils l'entraînaient au marais, l'abandonnaient aux sangsues qui, irrémédiablement, s'agglutinaient sur ses flancs (parfois tailladés au couteau pour mieux les attirer). Les sangsues étaient récupérées, puis ils faisaient subir au cheval un second passage. A la fin, l'animal, agonisait et finissait par s'écrouler dans la vase, à bout de force, offert à la mort avant même celle de l'abattage... Les "pêcheuses de sang" n'existent plus ...et c'est heureux ! Car si l'on peut regretter la disparition de nombre de métiers d'autrefois, celui évoqué ici, pénible et cruel, ne saurait être pleuré. La médecine n'a plus recours aux sangsues, et c'est tant mieux pour les soignés ...et surtout pour toutes ces malheureuses "pêcheuses de sangsues", dont les jambes auront porté, leur vie durant, la marque indélébile d'une recherche perpétuelle d'un quignon de pain, d'un peu de nourriture, d'un sou, d'une vie meilleure...
----------------------------- (sujet réalisé d'après le livre de Gérard Boutet "Nos racines retrouvées - Les gagne-misère" |
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