Le Petit Monde d'Audrey
 
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Vincimild
John Ridley avait investi sa chambre de motel depuis à peine deux heures, et l’ennui qu’elle lui inspirait fit qu’il ne put s’empêcher de consulter son agent. Les bonnes nouvelles débitées par celui-ci sur les ventes de son bouquin devaient rendre John heureux. Mais les murs crasseux de graffitis de sa chambre minaient son moral. Il raccrocha et se mit en besogne d’examiner ces graffitis, plus pour passer le temps que pour se donner le sommeil requis pour sa dure journée du lendemain, où il devait traverser l’Etat du Mississipi. De ses mains il palpait le mur de cette chambre impersonnelle. Ses lunettes s’embuèrent quand il tomba sur ce truc gravé parmi tant d’autres choses obscènes qu’il aurait pu lire dans les W.C. d’un drugstore quelconque.

« RIDLEY DEAD ».

Pris d'un fou rire nerveux, il examina le graffiti. Il avait été gravé au couteau, et semblait ne pas être récent.
Assis sur le lit, il fumait une cigarette. "Combien de Ridley aux States? Combien de gens avaient envie de tuer un Ridley? Combien de gens avaient envie de tuer un Ridley et étaient passé dans cette chambre de motel pourrie?" Son fou rire augmenta proportionnellement à ses conjectures. N'empêche, si c'était un hasard, c'était un bel hasard. Il se versa un verre de JB, acheva sa cigarette. Le sommeil ne venait pas. La pluie dehors faisait son travail de sape. Il se dirigea vers la fenêtre, tira les persiennes pour jeter un oeil sur sa Cadillac. Rien n'avait bougé. 23h43.

"RIDLEY DEAD"

... Il ne put se résoudre à écrire ce soir. De toute façon, il fallait pour cela sortir et prendre son portable dans le coffre de la voiture. Il se servit un second JB.

John Ridley avait toujours fui les inconvénients du téléphone portable. Il en possédait un, mais il était toujours éteint, surtout depuis que sa femme avait demandé le divorce. Cette phobie lui valait les foudres de son agent littéraire, mais qu'importe. Quant à sa future ex-femme, il fuyait, elle le harcelait pour la signature de la séparation de corps. John avait une maison, ou, plutôt, avait eu une maison avec elle, et elle voulait en jouir pleinement avec son amant. Cette situation s'en ressentait sur sa rentabilité, dans ses écrits. Il avait beau dire à Mary de s'adresser à son avocat, où qu'elle put le trouver, elle téléphonait. L'amant, lui, n'était qu'un banal vendeur de voitures d'occasion. Mais il devait mettre les choses en ordre, au vu des documents qui se trouvaient encore dans la maison. Il déposa son verre. Puis revint palper le graffiti.

"RIDLEY DEAD"
"Christine?"
- Oui John. Où es-tu? Tu sais Barney aimerait que tu viennes chercher tes affaires et que tu signes enfin les papiers de l'avocat. Tu vas te retirer dans ta maison du Mississipi, ok! Moi j'en ai assez d'avoir le cul entre deux chaises".
- Je t'ai dit d'envoyer la paperasserie à mon avocat. Là je suis dans un motel merdique et j'ai pas le moral.
- Pas le moral? Et moi tu crois que...
- C'est bon Chris, pour le divorce ça va s'arranger...
- Un motel? Tu as bien les moyens de te payer un hôtel! Ecoute John, moi je voudrais que les choses s'arrangent, je serai même copine avec Sarah.
- Je sais, je sais.

Le combiné à la main, il caressait le graffiti.

"RIDLEY DEAD"

-Je dois raccrocher Chris, je te rappelle de la maison... disons, demain soir...


John Ridley était petit, des lunettes rondes, mais son physique n'était pas ingrat. Une fortune bâtie sur des romans qu'on lit sur la plage, ou dans les moments de solitude glauques. Il n'en avait pas honte. L'échec de son mariage lui prenait beaucoup d'énergie. Un jour qu'il s'était garé près de sa maison occupée par sa femme et son amant, il s'était dit: "une maison que je n'ai plus, une jolie femme que je n'ai plus." Restait à signer les papiers du divorce. Chris était pressée, avec son vendeur de voitures d'occasion. Qu'importe, elle n'emportera pas sa fortune, mais il resterait auprès d'elle en cas de coup dur. Il n'y eut pas d'enfant issu de leur relation. Dans un sens, c'est mieux.
Sa maison isolée du Mississipi lui serait une bonne thérapie. Pour son nouveau projet d'écriture.
C'était un chalet en bois, avec un garage à côté dans lequel il gara sa Cadillac. Sarah avait gardé le 4X4, il le regrettait, car dans ce chalet en plein bois, arrivé à la tombée de la nuit, le sol était boueux; mais il fut content d'être arrivé. Le temps d'ouvrir la porte et d'examiner l'intérieur... rien n'avait bougé, il retourna à la voiture prendre ses effets et son ordinateur. Le FAI avait été payé régulièrement et il espérait bien que la connexion wi-fi fonctionnait.

La solitude, le bois qui craque, révélant de fausses présences.

Il se connecta. Internet fonctionnait... Puis se dirigea vers la cuisine, dont le frigo était sensé avoir été rempli par Bernie, son agent.

Il entendit nettement le moteur d'une voiture qui s'était garée dans l'allée et s'était éteint. John repéra distinctement une voiture de police.

... Toc toc toc. Il est 20h57.
Il ouvrit.
- Monsieur John Ridley? fit un des deux flics.
-Oui - l'expression de John se fit interrogatrice, en plus il avait faim après tout ce voyage depuis Jackson. "Entrez"
-Merci fit l'autre flic.

-Monsieur Ridley? Le célèbre écrivain? souriait un des sbires.
-Oui! John commençait à se marcher sur les nerfs.
-Ma femme...
-Pourquoi êtes-vous ici?
-Eh bien Mr Ridley... Vous venez bien du Birdy's Motel, à Jacksonville?
-Oui, en effet, content de l'avoir quitté.
-Quelle chambre occupiez-vous?
-La 207... pourquoi? elle a brûlé?
-Monsieur Ridley, les locataires qui ont occupé la chambre après vous...
-Quoi!!??? Quoi!!
-Eh bien Mr Ridley, ils ont été retrouvés morts, un couple, cet après-midi.
-Morts?
-Nous vous demanderons de vous présenter au poste du Shériff demain matin à 9h, pour de plus amples explications. En attendant, ne quittez pas la ville. Est-ce clair?
-Oui, c'est clair, fit un John Ridley confus. " Ils sont morts de quoi?"
-Egorgés.

-Mr Ridley, à quelle heure avez vous quitté le Birdy's Motel de Jacksonville hier?
Le Shériff de Biloxi me semblait être un [CENSURE] de réactionnaire.
-Oh il devait être 10h du mat.
-Vous n'avez rien remarqué d'anormal pendant votre séjour dans ce motel?
[CENSURE]! Il avait les pieds sur son bureau et ça me dérangeait même s'il n'avait semble-t-il pas marché dans une merde. En tout cas pas question de lui parler du graffiti à mon nom et à ma mort. Il risquerait de faire débarquer les fédéraux et...
-Et après tout je n'ai rien à voir avec ce double meurtre. Et non je n'ai rien remarqué d'anormal, lançai-je.
-Vous verriez un inconvénient à ce qu'on fouille votre voiture et votre chalet là dans les hauteurs?
-J'ai le choix?
-Non, Mr Ridley.


- Ridley à l’appareil.
- C’est moi, Bernie.
- Oui Bernie…
- Alors ? C’est quoi cette histoire ? J’ai eu ton message sur mon répondeur. Les flics ont tout retourné chez toi ?
John se baladait dans les bois environnant sa maison.
- Pas vraiment, ils ont fait ça pour la forme. Ecoute Bernie, il y a avait un graffiti dans cette chambre qui promettait ma mort.
- Tu avais bu ?
- Bordel Bernie. Quelqu’un me connaît dans les environs et dieu sait quel chantage il pourrait me faire. Le couple égorgé le lendemain, tu ne trouves pas ça un peu fort ?
- Tu en as parlé aux flics de ce graffiti ?
- Non, cette inscription est noyée au milieu d’une centaine d’autres, mais ça ne m’étonnerait pas qu’ils le découvrent.
- En attendant fait rien d’autre.
- Salut Bernie. Il raccrocha et remit son portable dans sa poche.

John pensa à sa fille, l’envie de la voir se faisait plus pesant. Elle n’était pas loin, là, juste en bas, en ville.


Barney, le nouveau compagnon de la femme de John partit de bon matin ce dimanche. Il rejoignait des copains avec lesquels il abattait des arbres. Mais le meilleur moment pour lui, c’est qu’en fin de journée, il se retrouvaient au Pinky Bar, et la bière coulerait à flots. Christine n’en avait rien à foutre, il rentrerait et s’endormirait dans le divan alors que la maisonnée serait déjà endormie. Dans ce cas-là, Christine dormait avec sa fille Nicole.
Nicole a cinq ans. C’est une enfant sage, bien notée à l’école. Elle savait déjà lire, à son rythme.
Mais ce dimanche matin, alors que Barney était déjà parti rejoindre ses copains pour leur dangereux boulot, Nicole pensait à son père tout en déjeunant.
-Maman, je veux voir papa ! Tu m’as dit qu’il était près de nous pour le moment !
-Oui ma chérie, mais il travaille. Tu crois qu’il faut le déranger ?
-Maman, c’est les vacances ! Et je veux voir mon papa !

-Oui, Chris ?
-Bonjour John, je te dérange ?
-Pas vraiment, non, justement, je lisais, je ne travaillais pas.
-J’ai fini ton dernier thriller, « Les pieds dans la boue ». Tu es toujours aussi doué, j’ai apprécié, mais je dois faire attention à Nicole, elle sait lire tu sais ! Je ne veux pas retrouver un de tes bouquins dans ses mains.
-Nicole. Comment va-t-elle ?
-Justement c’est pour elle que je t’appelle. Elle... voudrait passer quelques jours avec toi, là haut, dans la nature. Tu lui manques. Attends… je te la passe.
« Papa ? »
-Oui ma chérie.
-Papa, viens me chercher, je resterai pas longtemps et je serai sage promis juré. J’apporterai mes livres et je lirai pas tes livres d’horreur, promis !
-J’arrive ma chérie, je viens te prendre.

Il était 8h10. John mit le contact de la Cadillac et le moteur obéit.
 
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