Citation : Résurrection et Renaissance Le Bazar de Kodash, capitale de la province de Vabbi, était en effervescence. La rumeur s’était répandue comme une traînée de poudre, on racontait que Varesh Ossa avait enrôlé des démons dans son armée et menaçait d’envahir la région. On disait même que certains de ces démons patrouillaient parfois près du Miroir de Lyss à la tombée de la nuit, mais personne n’en avait jamais vu. Seuls quelques cadavres atrocement mutilés attestaient d’une présence maléfique. Il était de notoriété publique que le Maréchal de guerre vouait un culte à Abaddon et cherchait à éliminer les Lanciers du Soleil, mais de là à s’être alliée avec des démons… L’Ordre des Soupirs était sur le qui-vive et les gardes sur le pied de guerre. La tension dans la ville était palpable. Les citoyens évitaient de sortir seuls et les marchands faisaient grise mine, inquiétés par les retards de plus en plus fréquents des caravanes venant du sud. Près de la fontaine, quelques aventuriers discutaient des derniers évènements : « Bien, vous avez sûrement tous entendu parlé de ce qui s’est passé la nuit dernière » fit le Maître des Soupirs. « Oui, » dit Myoshi avec un léger sourire « trois corps ont encore été retrouvés à l’aube. » Otto Mo haussa les épaules avant de s’adresser à la moniale : « On connaît tous tes penchants un peu nécrophiles, mais ce n’est peut-être pas le moment pour… » Il n’eut pas le temps d’achever sa phrase, une voix légèrement rocailleuse l’interrompit : « Des cadavres ? Intéressant… ça pourrait m’être utile pour refaire une armée d’invocations. » « Viktor, tu ne vas pas t’y mettre toi aussi… » soupira Beauté Qenvout. « Bon. Et si nous discutions un peu sérieusement ? » intervint Dunkoro d’un air irrité, « il y a un temps pour rire et un temps pour vos chamailleries, mais là l’heure est grave. ». « Grave ? » interrogea la moniale, « ce ne sont que quelques cadavres, probablement pas de quoi s’alarmer. » « Si, justement. » répondit le chef de l’Ordre, « Si la rumeur dit vrai, nous courrons tous un grand péril. » « Que voulez-vous dire ? » demanda le rôdeur. « Si Varesh a effectivement fait appel à des démons, il nous faudra agir, et vite. Cela signifie qu’elle va tenter de libérer le Dieu Noir et si elle réussit, le Crépuscule s’abattra sur Elona. » Les autres restèrent bouche bée quelques secondes, puis l’envoûteuse prit la parole : « Que devons-nous faire alors ? » « D’abord nous assurer que la rumeur dit vrai. Sortir de la ville à la tombée de la nuit pour confirmer la présence de ces démons » « Vous vous doutez qu’une telle expédition ne s’improvise pas comme ça » « Oui je sais Dunkoro, et je suppose que vous avez déjà un plan… » « oui, en effet. » répondit le moine en soupirant, « mais il impliquera pas mal de dangers ». Il fit une pause, puis repris « pour un seul d’enntre nous. » Et Dunkoro exposa son plan, simple mais quelque peu effrayant. Pour limiter les risques d’être repéré, il fallait qu’une seule personne quitte l’enceinte de la ville au coucher du soleil, un groupe entier se ferait probablement trop remarquer. Il n’était pas dans les habitudes du moine de sacrifier des vies mais il valait parfois mieux perdre une seule personne au lieu d’un groupe entier. Puis les sorts de résurrection avaient déjà accompli bien des miracles. Cependant, personne ne semblait vouloir laisser partir un de ses compagnons, ils se considéraient tous de valeur égale et ne voulaient pas perdre un de leurs camarades. « Bien, dans ce cas c’est moi qui irai. » dit une voix derrière eux. Ils se retournèrent. « Toi ? » « Elyria ? » Ils la connaissaient tous. C’était celle qu’on surnommait la Psychopathe victime de la mode. La perfection de son corps n’avait d’égal que la sévérité de son visage. Son caractère solitaire n’avait d’équivalent que sa détermination au combat, détermination que son goût pour les robes n’entachait en rien. « Oui. J’irai. Contrairement à vous, je n’ai pas grand-chose à perdre, puis je pourrai me débrouiller » Ils fixèrent l’élémentaliste, bouches bées, puis Otto pris la parole : « Mais toi aussi tu es l’un de nos meilleurs éléments, on ne peut pas te laisser partir. » « Je ne vous laisse pas le choix. Puis il y a bien meilleures magiciennes que moi en ce monde, vous n’aurez pas de mal à me remplacer s’il devait m’arriver quelque chose. » Après quelques protestations, ils la laissèrent finalement partir. Le soleil était déjà bas sur l’horizon lorsqu’Elyria quitta le Bazar. Elle fit route vers le nord-est en direction de la Basilique de Sebelkeh et du lac qui l’entourait. On appelait ce lac « Miroir de Lyss » à juste titre, car son eau toujours limpide reflétait la majestueuse statue de Lyssa, Déesse des Arts et Muse des envoûteurs. Après s’être assez facilement frayée un chemin entre quelques groupes de plantes enchantées et de scarabées des pluies, la magicienne atteignit la rive sud du plan d’eau. Son attention fut immédiatement attirée par les bruits d’un combat ayant lieux à quelques centaines de pieds sur la rive occidentale du lac. Elle s’avança discrètement mais les armes se turent avant qu’elle n’eut pu intervenir. Elle poursuivi néanmoins sa route jusqu’à apercevoir quatre grandes silhouettes humanoïdes qui venaient dans sa direction. Il était déjà trop tard pour fuir et se mettre à l’abri, Elyria savait que ses traces de pas étaient visibles. L’affrontement était inévitable. Elle attendit donc, sur ses gardes, observant les créatures. Elles devaient mesurer dans les huit pieds, leur peau semblait briller d’un éclat violet dans l’obscurité naissante. Quant à leurs visages, ils étaient protégés par des masques impénétrables. Elle eut encore le loisir de distinguer leurs armes mais le temps de comprendre qu’elle avait affaire à trois lanceurs de sorts et un guerrier, il était trop tard. Les créatures étaient sur elle. Un des mages invoqua trop rapidement un éclair qu’Elyria n’eut pas le temps d’éviter, elle fut éblouie et tomba à genoux, les membres endoloris par la puissante décharge. Elle éprouva aussitôt une sensation d’oppression, provenant sans doute du maléfice qu’un des autres ensorceleurs lui avait lancé. « ressaisis-toi Elyria, vite ! » Le guerrier s’avançait vers elle, un lourd marteau à la main, tandis que les trois autre créatures émettaient une sorte de ricanement atone. C’était sa seule chance, la réflexion fit place à l’instinct et elle enchaîna rapidement ses sorts. Une chair d’obsidienne pour se protéger des mages, suivie d’un sort de ralentissement de zone. Le maléfice la vidait peu à peu de ses ressources, il fallait être vive, c’était sa seule chance. Elle eut à peine le temps de créer un faucon de pierre que l’éxécuteur était sur elle, sa masse brandie et prèt à frapper. Le projectile, lancé par l’élémentaliste avec toute la force qu’il lui restait, atteignit sa cible en pleine poitrine. Le guerrier eut un hoquet de surprise et tenta d’utiliser un sceau de guérison, mais en vain. Une seconde pierre l’atteignit au visage et il fut assommé. Elyria l’acheva d’une réplique sismique. Les trois démons restants eurent un mouvement de recul face à ce retournement de situation. Elyria ferma les yeux, écarta les bras et son corps s’éleva de quelques centimètres au-dessus du sol. La terre se déchaîna alors autour des trois sorciers, ils furent frappés par d’énormes pierres volant en tous sens. Ils tentèrent de fuir mais la fureur de l’élémentaliste fit trembler le sol sous leur pieds. Les infortunés tombèrent, hurlèrent des mots qui ressemblaient à « Abaddon nous vengera » et périrent. Epuisée, la magicienne posa un genou à terre. Elle avait eu un coup de chance, il s’en était fallu de peu. Elle utilisa un sort de soin pour se redonner un peu de force, mais sa connaissance des sorts de moine étant minime, elle savait qu’elle n’irait pas loin. Le chemin ramenant au Bazar étant fort long, elle décida de se rendre à la Basilique afin de s’y reposer un peu. Alors qu’elle progressait d’une démarche lente et hésitante, une forme dans les hautes herbes attira son attention. Elle s’en approcha prudemment et vit qu’il s’agissait d’un corps apparemment sans vie C’était une jeune femme, petite avec de longs cheveux aux reflets violets.Les traits de son visages étaient marqués par la peur. A ses côtés se trouvait un arc brisé de facture canthienne, comme on en trouve parfois du côté du Quartier de Nahpui. C’était une rôdeuse, à n’en point douter. Le cœur d’Elyria se serra dans sa poitrine. Elle repensait à Amelya, sa seule véritable amie qu’elle avait connu lors des beaux jours d’Ascalon, archère elle aussi. Puis elle éprouva de la tristesse et de la pitié. Un sentiment qu’elle n’avait pas éprouvé depuis des années car elle pensait que chaque personne était destinée à mourir. Mais là c’était différent, elle se sentait nue, faible et désarmée. « Et s’il y avait encore quelque chose à faire pour elle ? » pensa la magicienne. Elle s’approcha et s’agenouilla auprès du corps de la rôdeuse. Celle-ci avait reçu un coup assez violent sur la tête, à en juger par la plaie qu’elle avait à la tempe. Le corps paressait par ailleurs intact. Elyria le palpa : la peau était encore chaude. Elle eut un mince espoir. Elle posa sa main sur le cou de l’archère et elle finit par déceler une légère pulsation. La chance encore une fois, elle vivait toujours ! L’élémentaliste se redressa et fit quelques pas en arrière. Pour une fois ce fut elle qui allait lancer un sort dont elle était habituellement la cible : un sort de résurrection. Elle ferma les yeux, leva les bras vers le ciel et canalisa l’énergie sacrée dans ses mains. Son corps flotta quelques secondes au-dessus du sol, ses bras s’abaissèrent et un peu de vie fut rendue au corps inconscient de la rôdeuse. La jeune femme se releva avec peine et Elyria lui prit la main pour l’aider. Cette petite main chaude et tremblante dans la sienne lui procurait une sensation étrange, un mélange de peur et de réconfort qu’elle ne pouvait s’expliquer. La rôdeuse lui fit face et la fixa dans les yeux, un regard triste mais intense. Ses yeux bleu clair déstabilisaient presque la magicienne. « M… Merci… » dit-elle d’une voix douce et hésitante. « Que s’est-il passé ? » « Ces créatures. J’ai voulu les combattre mais…» Elle porta une main à sa tempe et une larme coula le long de sa joue. « Je n’étais pas assez forte » « Ne t’inquiète pas, elles ont été détruites » « Oui. Mais il en viendra d’autres. C’est ma patrie et elle est menacée. J’aimerais tellement pouvoir la défendre. » « Je sais… « dit Elyria en soupirant. Elle était impressionnée par le courage et la volonté de cette jeune rôdeuse. Elle avait réagi de la même manière lors de la chute d’Ascalon, quelques années auparavant. « Qu’est-ce qu’on peut faire ? » « Ecoutes, je vais te raccompagner à la Basilique. Là tu pourras te reposer et soigner tes blessures. Quant à moi, je dois retourner rapidement à Kodash, j’ai une mission à terminer. Si tu veux aider ta patrie, adresse-toi aux Lanciers du Soleil et à l’Ordre des Soupirs, ils t’aideront » Elles se sourirent et se dirigèrent vers la Statue de Lyssa qui se trouvait au bord du lac. Elyria rentra rapidement au Bazar après avoir repris quelques forces. Elle fit un rapide compte rendu à ses compagnons ravis de la revoir. Les craintes du Maître des Soupirs étaient fondées, les Margonites, fervents serviteurs d’Abaddon étaient de retour. Il fallait se préparer à la guerre mais la magicienne n’en avait cure ce soir-là. Quelque chose s’était brisé au plus profond d’elle-même, elle se sentait sensible et faible. Pour la première fois depuis des années elle senti battre son cœur, libéré de la carapace qu’elle s’était forgée. Elle n’avait qu’une image à l’esprit : le doux visage de celle qui, à son insu, lui avait permis de renaître… « Je ne connais même pas ton nom, mais un jour je te retrouverai… » |
Wayne |
ThunderLord |
![]() ![]() |
Wayne |
![]() ![]() |
Audrey |
Wayne |