[centre]L\'habitude est une étrangère
Qui supplante en nous la raison :
C\'est une ancienne ménagère
Qui s\'installe dans la maison.
Elle est discrète, humble, fidèle,
Familière avec tous les coins ;
On ne s\'occupe jamais d\'elle,
Car elle a d\'invisibles soins :
Elle conduit les pieds de l\'homme,
Sait le chemin qu\'il eût choisi,
Connaît son but sans qu\'il le nomme,
Et lui dit tout bas : "Par ici."
Travaillant pour nous en silence,
D\'un geste sûr, toujours pareil,
Elle a l\'oeil de la vigilance,
Les lèvres douces du sommeil.
Mais imprudent qui s\'abandonne
A son joug une fois porté !
Cette vieille au pas monotone
Endort la jeune liberté ;
Et tous ceux que sa force obscure
A gagnés insensiblement
Sont des hommes par la figure,
Des choses par le mouvement.[/centre]
[centre][g]- René François SULLY PRUDHOMME -[/g]
(1839-1907)
[i](Recueil : Stances et Poèmes)[/i][/centre]');">
Qui supplante en nous la raison :
C'est une ancienne ménagère
Qui s'installe dans la maison.
Elle est discrète, humble, fidèle,
Familière avec tous les coins ;
On ne s'occupe jamais d'elle,
Car elle a d'invisibles soins :
Elle conduit les pieds de l'homme,
Sait le chemin qu'il eût choisi,
Connaît son but sans qu'il le nomme,
Et lui dit tout bas : "Par ici."
Travaillant pour nous en silence,
D'un geste sûr, toujours pareil,
Elle a l'oeil de la vigilance,
Les lèvres douces du sommeil.
Mais imprudent qui s'abandonne
A son joug une fois porté !
Cette vieille au pas monotone
Endort la jeune liberté ;
Et tous ceux que sa force obscure
A gagnés insensiblement
Sont des hommes par la figure,
Des choses par le mouvement.
(1839-1907)
(Recueil : Stances et Poèmes)