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17 juin 1940 : le NAUFRAGE le plus meurtrier

Audrey
   Posté le 03-04-2006 à 01:42:57   

Le naufrage le plus meurtrier de toute l'histoire !


...Non, ce n'est pas, contrairement à ce que l'on pourrait penser, celui du Titanic !
Le naufrage le plus meurtrier de toute l'histoire est celui ...du LANCASTRIA .


Le naufrage dramatique du LANCASTRIA, éventré par les bombes allemandes,
eut lieu le 17 juin 1940, faisant 6 000 victimes

(soit quatre fois plus que le Titanic).



UN PAQUEBOT BRITANNIQUE DES ANNEES 1920

Ce grand paquebot britannique, de 169 mètres de long, fut construit par les chantiers William Beardmore de Glasgow, puis lancé l’été 1922 sous le nom de TYRRHENIA, pour le compte de la Cunard White Star Line. Son port d’attache est Liverpool.

En 1923, il est affecté à la ligne Hambourg/Southampton/New York, puis en 1924, son nom n’étant pas apprécié, il est rebaptisé et devient “Le LANCASTRIA”.


Le transatlantique "Le Lancastria".


De 1926 à 1932, il assure le service hebdomadaire de Londres à New York, puis il est transformé en bateau de croisière de luxe pouvant accueillir 1846 passagers .

Les navigations Charters et "croisières plaisir" sont très à la mode à la fin des années 1920. Chaque hiver par exemple, la Cunard Line organise une croisière de quatre mois autour du monde, traversant les Caraïbes, longeant l’Amérique du Sud puis l’Afrique, vers la Méditerranée et Mer Noire, et, durant l’été, navigue vers la Scandinavie, Europe de l’Ouest, Est-Canada, et effectue de courts voyages aux Bermudes, Nassau et Havana. Les prix d’un voyage autour du monde en 1929 débutent à 900 $.

Jusqu’au début de la deuxième guerre, le grand paquebot effectue sans encombre aucune de nombreuses traversées et croisières.


LA REQUISISTION DU LANCASTRIA DURANT LA GUERRE 1939-1945

Dès septembre 1939, le Lancastria est réquisitionné par la Royal Navy, repeint en gris et reconfiguré pour le transport de marchandises dans l’Atlantique.

Le 05 mars 1940, le Lancastria effectue son premier service comme transport de troupes.

Au printemps 1940, il participe à l’évacuation des troupes britanniques de la campagne de Norvège, là il essuie une attaque aérienne sans être touché. Le Lancastria continue ainsi son travail ...sans se douter qu’il deviendra l’une des plus importantes tragédies du XXe siècle.


EVACUATION MASSIVE DE TROUPES EN JUIN 1940

De nombreuses fois, le Lancastria est utilisé pour l’évacuation des troupes et des blessés.

Aussi en mai 1940, le désastre de la campagne de Flandre force les Alliés à rembarquer leurs troupes précipitamment à Dunkerque .
Dans la Somme, les Allemands triomphent, il est donc temps pour les Britanniques d’évacuer, afin d’emporter le plus de monde possible. Les paquebots sont une fois de plus mis à contribution.

Fin mai, le Lancastria est envoyé à Liverpool pour un carénage, le capitaine avait donc donné au maximum de marins une permission.
Mais, le 14 juin, tout l’équipage est rappelé pour une mission urgente.

Alors que la défaite de la France est imminente, la Lancastria, sous les ordres du Commandant Sharp, est sélectionné pour participer à “l’opération Aérial”, qui consiste à l’évacuation des troupes britanniques repliées dans l’Ouest de la France.
Il gagne donc Plymouth, où il doit rejoindre d’autres grands bâtiments affectés à la même mission.

En 1939, l’aviation allemande est devenue une arme dangereuse pour les navires alliés. En effet, si elle existait déjà lors de la première guerre, les avions n’avaient pas la capacité de transporter une quantité de bombes suffisante pour couler un paquebot... ce qui n’est plus le cas aujourd’hui...

Le Lancastria appareille donc de Plymouth le 14 juin, en compagnie du FRANCONIA et de l’ORONSAY, eux aussi bâtiments de Cunard Line, en direction de Saint Nazaire, pour rapatrier bon nombre de soldats britanniques.

Arrivé au niveau de Brest, le FRANCONIA est touché par l’aviation allemande et doit faire demi-tour vers Liverpool.


90 BATIMENTS POUR L'EVACUATION DES REFUGIES

Le 17 juin, le Lancastria mouille dans l’estuaire de la Loire, à 10 miles du port de la rade des Charpentiers, devant la pointe de St Gildas, avec de nombreux autres navires.

En effet, les Anglais ont réquisitionné tout ce qui pouvait naviguer pour évacuer leurs hommes menacés par l’avance éclair des Allemands. Et le 16 juin, ce sont environ 90 bâtiments de toutes tailles qui sont stationnés à proximité de la côte.

Mais la veille, l’ennemi a largué dans la rade ses terribles LMB, mines chargées de 800 kg d’explosif. Alors que quelques dragueurs s’affèrent à nettoyer la zone, l’un d’entre eux “La Courbe” saute sur une de ces mines.

A 11 heures, le 16 juin, alors que le draguage des mines n’est pas terminé, commence l’embarquement des troupes britanniques sur les navires. On estime à 57 000 hommes le nombre de rapatriés par Saint Nazaire entre le 16 et le 19 juin 1940.

Ce sont notamment 3 torpilleurs anglais et 3 grands remorqueurs, le Minotaure, le Titan et l’Ursus, qui servent de navettes entre la côte et les navires sur lesquels les réfugiés embarquent.


LE 17 JUIN, JOUR FATIDIQUE

Ce 17 juin, vers 15 heures, le Commandant Sharp décide de prendre la mer, mais doit attendre l’arrivée d’un escorteur, car le paquebot n’est armé que d’un canon de 102 mm et de mitrailleuses. Il ne pourra donc se défendre face aux terribles “Loup gris”, les sous-marins, et la Luftwaffe.

Mais ne voyant pas d’escorteur arriver, Sharp décide d’attendre l’ORONSAY pour faire route vers l’Angleterre ensemble, en convoi ... sans savoir que ce serait là une erreur fatale pour plus de 6000 personnes...

Le Lancastria se prépare à quitter le port de St-Nazaire avec environ 9 000 passagers à bord (on ne peut savoir combien de passagers se trouvaient exactement à bord, les documents de bord étant encore sous le secret militaire jusqu'en 2040).
Des soldats, pour la plupart, mais aussi des réfugiés, femmes et enfants, exténués par des heures de marche.
Au moins 6 000 personnes montent à bord du Lancastria. A partir de ce nombre, l’officier chargé de compter arrête sa tâche, et on évalue à 9 000 le nombre de réfugiés qui prennent place à bord du Lancastria.

Il est 15h50, alors qu’il s’apprête à lever l’ancre, lorsqu’un 3ème raid aérien de 6 à 8 stukas JU87 de la VIII Flieger Korps vise le Lancastria.
Le Commandant donne l’ordre de riposter, avec ses faibles moyens : il ne dispose que d’une mitrailleuse anti-aérienne... ce qui n’aura aucun effet.

Le Lancastria est touché à quatre reprises.

La première bombe perfore le pont, explose dans la cale n°2 , causant un terrible carnage au milieu d’environ 800 personnels de la Royal Air Force placés là. Il y aura très peu de survivants.

Le navire, gravement endommagé, commence à gîter sur tribord.
Le Commandant Sharp demande alors aux hommes de se diriger sur le côté bâbord, dans le but d’équilibrer le bâtiment.

La seconde bombe transperce la cale n°3, libérant 500 tonnes de mazout épais et gluant, qui rapidement envahissent le navire.

La troisième bombe traverse la cheminée, et explose directement dans la salle des machines, sous la flottaison.

La quatrième bombe pénètre dans la cale n°4, explosant les flancs du bâtiment, laissant la mer s’engouffrer dans les cales.

Dans l’urgence, on essaie de lancer des canots de sauvetage encore en bon état, mais du fait du gîte important, rares sont ceux qui peuvent être libérés.
Et c’est seulement deux canots qui réussissent à s’éloigner du Lancastria, chargés d’hommes, de femmes et de blessés. Les autres chavirent, sous des tirs de l’aviation allemande, ou bien surchargés par les survivants fuyant le désastre.

Ceux qui savent nager sautent du navire et se jettent à l’eau, et, péniblement, nagent à travers une nappe de mazout de 20 cm d’épaisseur, qui brûle par endroits. Ils suffoquent dans "un magma de sang, de mazout et de bois éclaté".

Des centaines de survivants se sont accrochés à la coque retournée, espérant que le navire tienne jusqu’à l’arrivée des secours.
Mais l’aviation allemande s’acharne sur l’épave, et mitraille, par des passages à basse altitude, coque du navire et hommes à la mer, larguant des bombes incendiaires pour tenter d’enflammer le mazout qui surnage.


Vers 16 h 10, le navire coule.


Les derniers instants du Lancastria.


Plusieurs centaines de naufragés purent cependant être sauvés, malgré les bombardements qui continuaient, par de petites embarcations mises à la mer par les nombreux bâtiments présents sur la zone au moment de l’attaque.

Mais faute de place, les sauveteurs sont forcés à un tri macabre : les survivants les plus mal en point sont rejetés à la mer pour laisser de la place à ceux qui semblent avoir une chance de s’en sortir.

Les rescapés sont couverts de plaies et de brûlures, et intoxiqués par le mazout qu’ils ont avalés. Ceux qui avaient réussi à échapper aux explosions, à la noyade et aux tirs des mitrailleuses succombent par centaines sur les bateaux venus à leur secours, asphyxiés par le mazout avalé .

Les registres officiels parlent de 2477 survivants.

Pourtant, le calvaire des rescapés n’est pas terminé : certains d’entre eux, débarqués à Saint-Nazaire, sont capturés par les Allemands et internés. D’autres pourront par chance regagner l’Angleterre sur d’autres bateaux.

Pendant plusieurs mois, la mer a rejeté les cadavres sur la côte de la Baie de Bourgneuf, où portent les courants de l’estuaire. Le nombre de corps est si important que beaucoup ne peuvent être enterrés dans des cercueils, et c’est souvent dans des tranchées entre deux couches de paille qu’ils sont inhumés.

Les cimetières de La Baule, de Pornic, de l'Herbaudière, et les tombes de l'île du Pilier en portent la cicatrice indélébile.


LE SILENCE SUR UNE TRAGEDIE

En Angleterre, à cette époque, le premier ministre Winston Chrurchill a réussi à rassembler derrière lui toute la population dans un grand élan patriotique.
Pour ne pas atteindre le moral de son pays et de ses troupes, il décide d’interdire durant 5 années toute publication sur le sujet, gardé comme secret d’Etat , ce qui explique que l’histoire du Lancastria ait été si peu connue.
Quant à la France, à l’époque en pleine débacle, elle fit également peu d’écho de ce naufrage.
...Et la tragédie tomba dans l’oubli...

En 1988, une plaque commémorative est posée sur le Mémorial du Lancastria.

Aujourd’hui, l’épave repose toujours au large de la Pointe-Saint-Gildas par 24 mètres de fond, à 7 km de la côte, le long du chenal de la Loire.
Elle est classée "tombe de guerre".

Le site est marqué par la bouée de chenal marquée “Lancastria”...
Nelly
   Posté le 14-04-2006 à 14:53:55   

J'ai toujours pensé que c'était le Titanic, le naufrage le plus meurtrier.... et je ne dois pas être la seule dans ce cas.

Encore une page d'histoire qui avait été occultée... Quand on pense aux familles de ces naufragés qui n'ont peut-être jamais su la vérité, ou l'on apprit des décennies plus tard, cela ajoute au caractère dramatique de cet événement.
Legolp
   Posté le 15-04-2006 à 16:09:00   

Pearl Harbour a pu faire beaucoup de naufragés dans la même journée...

Pourrais-tu me dire d'où tu tiens tes sources s'il te plait Audrey, ça m'intéresse.
Audrey
   Posté le 15-04-2006 à 17:34:53   

Je suis "tombée" par hasard sur l'article suivant :


...ensuite, j'ai continué mon enquête sur le net (dont d'ailleurs la fameuse Association Lancastria) sur X sites dont je n'ai pas relevé les noms, désolée.
Nelly
   Posté le 20-04-2006 à 22:36:24   

En tous cas, une excellente idée, Audrey, que d'avoir poursuivi ton "enquête" et nous en avoir livré les résultats. Cela nous aura permis de découvrir cette page de l'histoire.
Ouaille
   Posté le 27-04-2006 à 17:28:26   



Je me souviens d'avoir vu il y a quelques annees un reportage sur ce naufrage dans Thalassa je crois...

Sinon je suis desole de contredire mais il y a eu malheureusement beaucoup plus meutrier comme naufrage....

Une liste quelque peu morbide de wikipedia sur les naufrages:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_naufrages_c%C3%A9l%C3%A8bres


Audrey
   Posté le 27-04-2006 à 19:53:34   

Effectivement, cette liste de naufrages (malheureusement longue et synonymes de trop nombreuses vies écourtées) est édifiante (même si j'ai, par expérience, une fâcheuse tendance à me méfier des données de Wikipedia -sources non officielles et articles écrits un peu par le tout venant).

Je retire donc humblement ce que j'ai écrit : visiblement, le Lancastria n'est pas le plus meurtrier de tous, si l'on prend comme "sérieuse" la liste de Wikipedia.

En tous cas, le nauvrage du Lancastria restera pour moi un événement marquant :
- autant par le nombre de victimes,
- que par le "secret d'Etat" qui mit l'oubli et la méconnaissance sur le décès dans d'horribles conditions de plusieurs milliers de personnes,
- que par le fait que, en nos mémoires, a été gravé depuis des décennies le nom "Le Titanic' comme étant "LE" naufrage, et qu'il suffit de tomber sur certaines pages de l'Histoire pour découvrir la sinistre vérité de milliers d'autres victimes...