Sujet :

France - Présidents assassinés

Pierma
   Posté le 10-04-2008 à 20:37:50   

Les présidents français assassinés



Sadi Carnot, président de 1887 à 1894


Si aucun n’est aussi célèbre que John Kennedy, la France a contribué elle aussi à enrichir la liste des chefs d’Etat assassinés. Sans compter les tentatives…

Deux présidents de la Troisième République ont été tués pendant leur mandat :
Sadi Carnot , assassiné en 1894
Paul Doumer , assassiné en 1932

On peut y ajouter Louis Barthou , ministre des affaires étrangères, assassiné… accidentellement en 1934.

Sadi Carnot est tué d'un coup de poignard par l'anarchiste italien Sante Caserio le 24 juin 1894, lors de l'Exposition de Lyon. L’assassinat du Président se situe dans un contexte d'agitation syndicale et anarchiste, aggravée par le vote de lois restrictives sur la liberté individuelle et les délits de presse. Ces lois sont qualifiées de « lois scélérates » par les socialistes.

Il faut expliquer que le délit de presse avait pratiquement disparu sous la Troisième République, alors qu’il était monnaie courante sous Napoléon III. (Je ne résiste pas à l’envie de citer le mot du journaliste Henri Rochefort : "La France compte 35 millions de sujets, sans compter les sujets de mécontentement" qui lui avait valu quelques semaines à la prison de Sainte-Pélagie, où Napoléon III envoyait s’émousser les plumes trop pointues.)

Sadi Carnot constituait une cible privilégiée pour les anarchistes, qui le haïssaient. En effet, il avait refusé la grâce d'Auguste Vaillant, un anarchiste dont l'attentat à la bombe contre la Chambre des Députés n'avait pourtant pas fait de victimes.

Petit-fils de Lazare Carnot, l’organisateur des armées de la révolution, Sadi Carnot, élu en 1887, était donc dans la dernière année de son mandat.

Son assassinat fait adopter par la Chambre la dernière et la plus marquante des "lois scélérates", visant uniquement les anarchistes, et leur interdisant tout type de propagande. Elle a été abrogée… en 1992.

Il repose au Panthéon avec son grand-père Lazare Carnot. Il est le seul président français qui y soit inhumé.

Paul Doumer est assassiné le 6 mai 1932 à Paris par un émigré russe : Paul Gorgulov.

Celui-ci lui tire plusieurs coups de revolver au cours d’une réunion publique organisée par l'Association des Ecrivains Combattants, à l'hôtel Salomon de Rothschild, rue Berryer.

Après des funérailles à Notre-Dame et au Panthéon, Paul Doumer est inhumé dans le caveau familial du cimetière Vaugirard.

Gorguloff était totalement dément et son crime semble refléter une paranoïa doublée de "folie politique". On découvre sur lui un carnet sur lequel est écrit : « Mémoire de Paul Gorguloff, Dictateur vert du parti national panrusse, qui a tué le Président de la République française. » (Pourquoi vert et pas bleu ?)

Pourtant le 27 juillet 1932, rejetant la démence, les jurés le condamnent à mort. Il est guillotiné en septembre, malgré les protestations de la Ligue des Droits de l'Homme.

Louis Barthou , ministre des Affaires étrangères est tué à Marseille le 9 octobre 1934, dans l’attentat qui coûte la vie au roi Alexandre Ier de Yougoslavie, attaqué à coups de pistolet par un membre du mouvement nationaliste croate, les Oustachis.

La mort de Louis Barthou est doublement accidentelle : il n’est pas la cible de l’attaque, et c’est un policier français qui le blesse grièvement, par erreur, en tirant sur l’agresseur. Les policiers mettent ce jour-là plusieurs passants à leur actif, sans toucher immédiatement l’agresseur, qui est agrippé par le chauffeur et assommé à coups de sabre par un cavalier de la garde d’honneur, le colonel Piollet.

La disparition de Louis Barthou a constitué une perte irremplaçable pour le pays. Il avait été l'artisan et le moteur d'une politique qui fut la grande idée des dernières années de sa vie : la reconstitution des alliances contre le péril allemand. Nul ne saura la reprendre après sa mort.

(Mon Dieu, tout ça parce qu’un flic français a tiré comme un âne. Cette balle a peut être tué des millions de gens.)

Clemenceau a eu plus de chance. Au matin du 19 février 1919, alors qu’il se trouve à l’arrière de sa voiture, rue de Rivoli, l'anarchiste Emile Cottin lui tire dessus à trois reprises. Une balle, jamais extraite, se loge dans l’omoplate à quelques millimètres de l’aorte. L’attentat déclenche dans la population et dans la presse une émotion extraordinaire. Au sortir de la Grande Guerre, Clemenceau est déjà une légende vivante. Six jours plus tard, il reprend ses activités, faisant preuve d'une belle vigueur pour son âge. (78 ans) Il obtiendra que l’auteur de l’attentat soit gracié.

De Gaulle , lui, a carrément la baraka. ( "Je dois être l’écrivain sur lequel on a le plus tiré." )

Il est blessé 3 fois pendant la Grande Guerre. En mai 1940, il commande au feu la 4ème Division Cuirassée – la dernière – qui tente de couper les blindés allemands en route vers Dunkerque. A la fin de la guerre d’Algérie, après le putsch des généraux en 1961, il devient l’homme à abattre pour les partisans de l’OAS – Organisation Armée Secrète - qui veulent stopper les négociations engagées en vue de l’indépendance.

La police réussit à déjouer une bonne dizaine d’attentats au stade de la préparation. Elle n’évitera pas 3 ou 4 attentats effectifs. D’abord au Mont Faron, à Toulon, où une bombe explose après le passage du général.

Ensuite à Pont sur Seine, sur la route de Colombey. La voiture présidentielle se trouve soudain face à un mur de flammes : son chauffeur passe au travers. On découvrira plus tard que le fut d’essence qui a enflammé la route contenait 2 kg de plastic, qui n’a pas explosé.

Enfin, après une tentative manquée de mitraillage de voiture à voiture (sur la voie sur berge, rive droite) c’est l’attentat du Petit-Clamart, le 22 août 1962, désigné par ses auteurs sous le nom d’opération Charlotte Corday. (A cette date les accords d’Evian sont signés depuis le mois de mars.)

Tirée au passage par deux fusils mitrailleurs, la voiture présidentielle encaisse 14 impacts. On retrouvera 160 douilles sur les lieux. Son chauffeur réussit pourtant à la mener jusqu’à l’aéroport de Villacoublay, malgré 2 pneus crevés et une boite de vitesse bloquée. Les passagers sont indemnes.
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Quand ça veut pas…ça veut pas.

Il y a une théorie du complot sur la mort de Louis Barthou. Cet homme paraît avoir perçu très tôt le risque nazi – ou simplement le risque de l’arrivée au pouvoir d’un parti nationaliste allemand. (Les successeurs de Barthou semblaient craindre davantage une pénurie d’encre qui les empêche de signer tout ce que dictait Hitler.) Son décès a fait l’objet de spéculations sur une implication éventuelle d’Hitler ou Mussolini.

En 1934 ? L’idée n’est pas totalement folle. Techniquement, la Gestapo en réussira bien d’autres, et des plus délicates. Et quand on cherche un homme politique de caractère pour dire définitivement non à Hitler, on trouve… De Gaulle. Qui d’autre ?

Il y a quelque chose de tragique dans le caractère d’unicité que présente De Gaulle à deux reprises dans la France du 20ème siècle.

Et quand on fait le compte des occasions où il s'est fait tirer dessus...


Edité le 10-04-2008 à 20:41:42 par Pierma


Audrey
   Posté le 10-04-2008 à 22:15:25   

Un grand merci, Pierma, pour ce bel article.

On évoque rarement ce type de sujet, qui pourtant, fait bel et bien partie de notre Histoire. Ah c'est sûr qu'à l'époque actuelle, nos présidents ne risquent pas grand'chose côté assassinat, vu qu'ils disent quasi systématiquement "amen" à toutes les puissances environnantes (officielles ou non, d'ailleurs).
ThunderLord
   Posté le 13-04-2008 à 16:26:07   

Merci Pierma, pour ce petit rappel d'histoire (comment ça je copie l'admin ? Meuh non...)

Je rejoins Audrey (comment ça encore ?) sur un point précis : nos dirigeants actuels ont les genoux tellement souples qu'ils n'auraient aucun mal à esquiver les balles... Si seulement ils avaient le courage de les mériter.
Ouaille
   Posté le 15-04-2008 à 19:14:33   

Ah bah Pierma!

Tu as oublie Chirac et le cr*tin d'extreme droite qui a essaye de le descendre le 14 Juillet (2005?)...

LK
   Posté le 15-04-2008 à 19:18:58   

Faut vraiment être tombé bien bas pour se faire attenter à coup de 22 long rifle
ThunderLord
   Posté le 18-04-2008 à 01:33:18   

Bah surtout faut pas être bien gros pour mériter une balle de ce petit calibre