Le Petit Monde d'Audrey
 
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celan
oui ! Audrey c'est une certitude , les gens comme ce monsieur disparaissent
j'y pense surtout dans cette période de fin d'année et pour cause !

merci pour tes commentaires ..........
Audrey
Très belle histoire vécue, Celan, et une belle écriture.
Ce Jean R... est de ces êtres comme l'on en croise peu dans une vie, et qui aura marqué la tienne ...pour toujours.
celan
Mon hiver 1944

Les feuillages qui longeaient le sentier en été étaient toujours pleins de bruits d’ailes,
de ramages et de bourdonnements.
Les hivers étaient autre chose après 1939, particulièrement celui de 1944.

En période de guerre, on aurait voulu que les maisons se touchent par souci de protection.
En décembre, dans l’Yonne, la neige était souvent abondante sur notre région
Quarante à cinquante centimètres étaient habituels, rendant nos semelles silencieuses.

La place de l’école ressemblait à un véritable manteau d’hermine tacheté par les pas des chevaux. Nous, nous habitions l’école. Nos voisins étaient, tout d’abord, l’ancien bûcheron devenu braconnier, puis deux amies, madame D…..et sa fille Nicole.

Une sente sinueuse de cinquante mètres séparant nos maisons nous menait aux abris. Nous y descendions à chaque hurlement de sirène, blottis les uns contre les autres, transis de peur et de froid, Tenaillés par l’angoisse des bombardements, certains adultes savaient minimiser ces instants douloureux en présence des enfants. Jean R… faisait partie de ceux-là.

Notre voisin préféré connaissait plein de choses sur les bois, la chasse, la pêche, les nasses et la braconne et avait construit lui-même cet abri pouvant protéger sept personnes. Il avait le verre facile mais limité, le rire sonore et contagieux qui réchauffait les cœurs dans les années difficiles, comme si les circonstances faisaient ressortir une certaine innocence, face magique auréolée d’espoir.

Vous l’aurez deviné, malgré les soixante années passées à l’horloge de ma vie,
cet homme à l’allure de mendiant, je ne pourrai jamais l’oublier.

Ce grand gaillard aux poils roux, à une petite barbichette toute frisée qui allait très bien avec ses yeux bleus d’acier marchait, toujours souriant, avec sa gibecière recouverte d’une toile très foncée, contenant parfois un quignon de pain,
parfois un morceau de lard et une gousse d’ail.

Un soir, avant la tombée de la nuit, huit jours avant Noël,
Jean R…. frappait d’une main ferme à notre porte.

Ma mère inquiète en permanence, ouvrait timidement la lourde porte de chêne verni et découvrait sur le seuil un petit sapin ; l’homme était déjà reparti, n’attendant rien, conscient de la période de guerre avec ses explosions de souffrances, ses bleus à l’âme, ses brèches laissées par l’occupant aussi bien physiquement que moralement.

Ce braconnier au grand coeur n’avait pas d’enfer dans les yeux, n’avait aucune rancune et n’était pas orgueilleux , il possédait simplement un peu de magie enveloppée dans une pauvreté heureuse et libre de vivre à sa guise sous les chemins du ciel.

Ce jour là, un petit sapin nu et deux papillotes rendaient deux gosses heureux.

Merci … Jean.

© Auteur Celan : le 12.12.2004 (histoire véridique)
 
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