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 1912 le naufrage du Titanic - Vérité et légende

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Pierma
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   Posté le 05-04-2009 à 01:31:15   Voir le profil de Pierma (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Pierma   

Le naufrage du Titanic - Vérité et légende


1. la fin de la Belle Epoque





Le 15 avril 1912, le Titanic de la White Star, le plus grand et le plus luxueux paquebot du monde disparaissait dans l'Atlantique Nord, au cours de sa traversée inaugurale, au sud de Terre-Neuve, après avoir heurté un iceberg.

L'émotion fut intense dans le monde entier, et le drame du géant des mers prit l'allure d'une catastrophe internationale. Emotion d'autant plus vive que ce magnifique bâtiment, chef-d'oeuvre de la technique, semblait marquer une étape décisive dans l'histoire de la construction navale et passait pour insubmersible.



Un drame qui a marqué toute une époque.


Sous la pression des journaux et de l'opinion, se refusant à invoquer la fatalité, des commisssions se livrèrent pendant des mois à des enquêtes approfondies. La catastrophe tenait-elle à une imprudence du commandant ou des officiers, à une construction défectueuse, ou à une compétition commerciale à la limite du criminel ?

N'avait-elle pas été aggravée par l'insuffisance des moyens de sauvetage ou par le comportement douteux de certains navires alertés par TSF, qui n'avaient permis que de recueillir à peine plus de 700 rescapés? Avec patience, on s'efforça de déterminer l'origine du plus grand naufrage de l'histoire maritime - jusque-là - qui semblait brutalement remettre en cause un progrès ininterrompu depuis le milieu du 19ème siècle.

Aujourd'hui, alors que l'épave du Titanic, retrouvée et explorée, repose par 4000 m de fond dans l'Atlantique nord, mémorial maritime où les fouilles sont désormais interdites, l'intérêt pour ce drame n'est pas retombé.

Un siècle plus tard, le Titanic fascine toujours autant. On dit beaucoup de choses sur ce drame, il est entouré de légende, et beaucoup de contre-vérités continuent à courir les esprits.

En revenant sur les faits et sur les conclusions des commissions d'enquête, nous allons essayer de remonter le temps pour revenir à cette époque disparue, qui a laissé dans les coeurs une profonde nostalgie.

Pour beaucoup en effet, la nuit du Titanic apparaît comme un signe du destin, un avertissement que l'homme n'a pas voulu entendre et qui annonçait la fin d'une époque : deux ans plus tard commençaient les tueries de la Grande Guerre. L'idée d'un progrès continu de l'humanité, basé sur l'éducation et la science, allait disparaître aussi tragiquement que le paquebot mythique.

Aussi, pour beaucoup, le Titanic resta le symbole de ces années où on ne savait pas qu'on était heureux, mais qui apparaîtront avec le recul comme des années de paix et d'espoir : on les baptisera la Belle Epoque.

La nuit du 15 avril 1912 annonçait peut-être au monde entier que la Belle Epoque allait prendre fin.




Les récits qui vont suivre doivent beaucoup à l'ouvrage de l'historien maritime Philippe Masson: "Le drame du Titanic" Ed. Pocket n°10501.

L'intérêt de son travail, outre que l'histoire du Titanic est parfaitement racontée, repose sur les analyses que seul pouvait apporter un spécialiste de l'histoire maritime. En particulier sur deux thèmes liés au naufrage : les conditions de la navigation dans l'Atlantique à cette époque, et les comparaisons avec d'autres grands naufrages de paquebots au cours du siècle qui vient de s'écouler.

Il réussit ainsi à tordre le coup à beaucoup d'idées toutes faites, et apporte un éclairage nouveau à certains aspects du drame.

Sans prétendre être aussi exhaustif, j'essaierai de faire aussi bien en restituant les réalités de l'époque et les conditions de la catastrophe.


A suivre : Atlantique Nord - l'époque des dreamliners.



Edité le 05-04-2009 à 01:46:30 par Pierma




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   Posté le 05-04-2009 à 12:55:25   Voir le profil de Audrey (Offline)   Répondre à ce message   http://lepetitmondedaudrey.alloforum.com/   Envoyer un message privé à Audrey   

Merci, Pierma, pour cette nouvelle page d'Histoire, qui hante toujours les mémoires.

J'ajouterais simplement, (pour avoir lu un court article à ce sujet cette semaine), ce qu'une étude scientifique vient de tenter de démontrer : que la politesse britannique a valu un nombre de victimes plus important des sujets de Sa Majesté, comparé aux victimes américaines.

Selon cette étude, les Britanniques auraient eu 10 à 15 % de chances de survie en moins que les Américains.
Selon le chercheur australien David Savage, les Américains poussaient pour atteindre les canots de sauvetage, alors que les Anglais, eux, faisaient poliment la queue.

Ce scientifique a épluché les listes des passagers et des rescapés pour comprendre quels rôles l'altruisme et les normes sociales ont pu jouer dans le drame du Titanic. Lors du naufrage, certains usages, comme "les femmes et les enfants d'abord", ont été appliqués : par exemple, (toujours selon les calculs de ce scientifique), les femmes ont eu 53 % de chances en plus de survivre que les hommes.

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   Posté le 07-04-2009 à 23:48:16   Voir le profil de Pierma (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Pierma   

Citation :

(...) une étude scientifique vient de tenter de démontrer : que la politesse britannique a valu un nombre de victimes plus important des sujets de Sa Majesté, comparé aux victimes américaines.

Selon cette étude, les Britanniques auraient eu 10 à 15 % de chances de survie en moins que les Américains.


Plutôt que "scientifique" il s'agit d'une analyse statistique, qui prouve au moins que son auteur sait se servir d'Excel.

Je ne pense pas que ce chercheur soit historien. Or il ne suffit pas de produire des chiffres, il faut encore les expliquer.

la situation a été très différente pour les 1ères, 2èmes, 3èmes classes et surtout... pour l'équipage.

Au lendemain du drame, les journaux d'Angleterre et des Etats-Unis ont souligné à plaisir la bonne tenue et la discipline des anglo-saxons, comparées au désordre provoqué par d'autres nationalités. Affirmation sans autre justification que la tenue exemplaire des hommes de première classe, qui sont restés à bord en quasi-totalité, et au fait que seul l'embarquement des 1ères classes, effectué en premier, se soit déroulé dans le calme.

Ce genre de préjugés a coûté la vie à l'équipe de cuisine française, environ 20 personnes, qui ont été enfermées dans leurs locaux, au début de l'évacuation, sur l'ordre d'un officier, qui craignait qu'elle mette la panique sur le pont. A l'époque les Français étaient considérés en Angleterre comme une race latine indisciplinée et incapable de self-control. Il faudra la Grande Guerre et les sacrifices de l'armée française pour que ce préjugé disparaisse.

Citation :

Selon le chercheur australien David Savage, les Américains poussaient pour atteindre les canots de sauvetage, alors que les Anglais, eux, faisaient poliment la queue.

Je n'ai jamais rien lu qui atteste de cette différence de comportement.

A moins que ces Américains qui ont eu le tort de survivre en plus forte proportion soient... des Américaines. (Il est possible qu'il y ait eu davantage d'Américains voyageant en couple.)

Je parlerai aussi du taux de survie des membres d'équipage. (Equipage essentiellement britannique)

Citation :

Ce scientifique a épluché les listes des passagers et des rescapés pour comprendre quels rôles l'altruisme et les normes sociales ont pu jouer dans le drame du Titanic. Lors du naufrage, certains usages, comme "les femmes et les enfants d'abord", ont été appliqués : par exemple, (toujours selon les calculs de ce scientifique), les femmes ont eu 53 % de chances en plus de survivre que les hommes.

Je consacrerai un post aux différents scandales qu'on peut trouver en examinant qui a survécu ou pas. Ils ne sont pas tous là où on le pense.

A côté de l'altruisme et des normes sociales, qui ont joué un rôle important, il y a un autre facteur à signaler : la connaissance des choses de la mer et de ce qu'est un naufrage. Par exemple, beaucoup d'immigrants d'Europe centrale, en 3ème classe, n'ont rien compris à ce qui se passait. Ceux qui connaissaient la mer et ses dangers s'en sont mieux sortis.

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   Posté le 08-04-2009 à 20:26:52   Voir le profil de Audrey (Offline)   Répondre à ce message   http://lepetitmondedaudrey.alloforum.com/   Envoyer un message privé à Audrey   

Tu as parfaitement raison, Pierma : les chiffres peuvent être interprétés de différentes manières (comme toutes les statistiques), et l'approche n'est pas vraiment "historienne", appuyée sur une réalité des faits.

C'est d'ailleurs pour cela que j'avais écrit :
Citation :

(...) ce qu'une étude scientifique vient de tenter de démontrer (...)

L'Histoire ne peut se raconter en pourcentages, c'est connu. Et ceux qui s'y essaient n'obtiennent que de l'abstrait, souvent à des lieux de la vérité.


Cette aparté faite, j'ai hâte de lire la suite de ton sujet, Pierma. Nul doute que nous en apprendrons beaucoup en le lisant.

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   Posté le 08-04-2009 à 22:00:56   Voir le profil de Pierma (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Pierma   

Une copie terrestre du Titanic ?


Décidément, le Titanic fascine encore, et pousse à des initiatives d’un goût douteux. Audrey nous signalait il y a deux semaines cette idée lumineuse :

Un homme d'affaires finlandais veut construire un nouveau Titanic aux dimensions de l’original. Mais il s’agira cette fois d’un hôtel-restaurant-centre commercial, installé sur terre, pour le bonheur des touristes japonais – entre autres.


Edité le 08-04-2009 à 22:06:32 par Pierma




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   Posté le 08-04-2009 à 22:04:49   Voir le profil de Pierma (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Pierma   

Le naufrage du Titanic - Vérité et légende


2. Atlantique Nord - l'époque des dreamliners.






Le Lusitania à New York, après son voyage record de 1907.



Depuis le 19ème siècle, la route de l’Atlantique nord est la plus fréquentée du monde. Le commerce est prospère entre les Etats-Unis et l’Europe, et le transport de passagers est dopé par l’afflux d’immigrants vers le Nouveau Monde.

L’origine des immigrants a changé. Jusque dans les années 1880, Irlandais, Anglais et Scandinaves dominent, rejoints ensuite par les Allemands. Depuis le début du 20ème siècle, le gros des effectifs est constitué de Méditerranéens, de Slaves ou d’Israélites originaires de l’Autriche-Hongrie ou de la Russie tsariste qui fuient la pauvreté et les persécutions. Phénomène massif : à l’apogée de la voile, en 1850, les départs représentent déjà 200 000 personnes par an. On en comptera 1,4 millions en 1913.

L’époque des traversées hasardeuses dans les cales des voiliers est terminée. (Mais la marine à voile effectue encore une partie non négligeable du transport mondial de marchandises)

A partir de 1850, les grands vapeurs sillonnent l’Atlantique : navires de 1500 tonnes, jusqu’à 70 mètres de long, qui filent 12 nœuds. Depuis, la taille et les performances n’ont cessé d’augmenter : les paquebots qui entrent en service dans les années 1900 dépassent les 200 mètres, jaugent 15 000 tonnes et leur vitesse de croisière atteint 20 nœuds, ce qui permet une traversée en 7 à 8 jours.

Les liners (navires affectés à une ligne régulière) laissent la place aux dreamliners, les paquebots de rêve.

Leur clientèle est constituée d’une minorité de passagers richissimes, qui ont les moyens de s’offrir les meilleures conditions pour l’époque, celles de la 1ère classe : hommes d’affaires, « rois » de la finance et de l’industrie, les Américains fortunés font de nombreux séjours en Europe, et leur tailleur, leur bottier, ne saurait être qu’à Paris ou à Londres.

A cette clientèle des « happy few » répond la masse croissante des émigrés, qui justifie à elle seule l’augmentation de la taille des navires, ainsi qu’une clientèle intermédiaire, qui détermine la création d’une deuxième classe à bord des paquebots. Cette catégorie de plus en plus nombreuse est composée d’hommes d’affaires, d’universitaires, ingénieurs, touristes, ainsi que des émigrants de vieille souche qui éprouvent le besoin de revoir régulièrement le pays natal.

La domination anglaise est incontestée jusqu’en 1900 : la Cunard et la White Star, au célèbre pavillon rouge frappé d’une étoile blanche, n’ont alors pas grand chose à craindre des autres marines de commerce.

Dans les années 1900, l’hégémonie anglaise est battue en brèche par la construction navale allemande. Le Deutschland, lancé en 1900, démontre le savoir-faire des chantiers allemands : à la surprise générale, il enlève le record de la traversée – le fameux ruban bleu. Suit une série de paquebots de très grande taille, du « Kaiserin Maria Theresa » au « Kaiser Wilhem II » Cette expansion, discrètement subventionnée par l’Etat allemand, s’inscrit dans une politique de puissance qui ne s’embarrasse pas de procédés : aux frontières allemandes, les douaniers refoulent sans vergogne les candidats à l’émigration venus d’Europe centrale qui ne peuvent montrer un billet vendu par une compagnie maritime allemande. L’Allemagne assure ainsi un tiers du trafic passager de l’Atlantique nord.

Le gouvernement anglais réagit, et subventionne le lancement par la Cunard de deux paquebots géants, le Mauretania et le Lusitania, qui représentent un nouveau pas dans le gigantisme et la puissance. Les turbines à vapeur ont remplacé les machines à vapeur classiques, et développent 60 0000 CV. Tous deux se disputent le ruban bleu, conservé finalement par le Mauritania en 1909, qui réussit la traversée en 4 jours et 11 heures, à la moyenne de 26 nœuds. (48 km/h) Ce record tiendra pendant 20 ans.

Cette course à la puissance trouve ses limites. Comme le dit le patron français de la Compagnie Transatlantique, « à partir d’une certaine vitesse le charbon finit par coûter plus cher que le caviar. »

La White Star, avec l’aide de capitaux américains, va s’inspirer de cette philosophie pour construire 3 paquebots géants, d’une puissance raisonnable, qui comptent sur d’autres arguments pour capter la clientèle.

A leur entrée en service, ils seront de loin les plus grands navires du monde. Avec 268 mètres et 45000 tonnes, L’Olympic, le Titanic et le Gigantic misent sur des installations spacieuses, un aménagement luxueux, des équipements modernes. Tout est fait pour assurer la régularité et la sécurité des traversées.

La construction est confiée aux chantiers Harland & Wolf, de Belfast, qui disposent des installations permettant la construction simultanée des trois sister-ships (bateaux jumeaux)

L’Olympic est mis en service le premier, le 14 juin 1911, et fait sensation.

Le Titanic est construit rapidement : pose de la quille en mars 1909, lancement le 31 mai 1911. L’achèvement a lieu en mars 1912. Les essais se déroulent le 1er avril, et deux jours plus tard le bâtiment arrive à Southampton, d’où il appareillera une semaine plus tard pour New York.



L’Olympic et le Titanic à Southampton.


Le lancement du Titanic constitue un second événement : il n’est pas seulement plus long – 270 m – que son sister-ship, il est surtout le plus beau et le plus luxueux. La campagne de presse lancée par le patron de la White Star, Bruce Ismay, fait grand bruit. Malgré tout, pour son voyage inaugural, le Titanic ne fait pas le plein : il embarque 1600 passagers, alors que sa capacité maximale est de 3200. Il est servi par 885 hommes d’équipage.




Ruban bleu : il s’agit du record de vitesse pour la traversée, du Fastnet, la pointe sud de l’Irlande, jusqu’à l'entrée du chenal d'Ambrose, à l’approche de New-York.

Au cours de sa traversée, le Titanic ne vise pas à établir un nouveau record : sa puissance est insuffisante pour cela. En revanche, le patron de la White Star, Bruce Ismay, surveille la marche du bateau, pour s’assurer que l’horaire d’arrivée prévu sera bien respecté.

Olympic, Titanic, Gigantic : les noms choisis sont volontairement fracassants. Après le naufrage du Titanic, le troisième sera lancé sous un nom plus modeste : le Britannic.

RMS Olympic : en septembre 1911, au cours de son 5ème départ, ce navire est victime d’une collision avec le un croiseur Hawke, de la Royal Navy, dans le port de Southampton. Il avait déjà heurté un remorqueur à son arrivée à New York, au cours de son voyage inaugural. Toute sa carrière est émaillée d’incidents de ce genre, dont l’un au moins est volontaire : en 1918, sous les ordres d’un certain capitaine Haddock, il éperonne et coule un sous-marin allemand qui l’attaquait.

A suivre : La route de l’Atlantique Nord et ses dangers.


Edité le 10-04-2009 à 00:59:08 par Pierma




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   Posté le 22-04-2009 à 01:59:53   Voir le profil de Pierma (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Pierma   

3. La route de l’Atlantique Nord et ses dangers.





Sur la traversée de l’Atlantique nord, la route des navires est fixée par la convention internationale de 1899, à laquelle ont adhéré la plupart des grandes compagnies – dont la White Star.

Du fait des conditions particulières à l’Atlantique nord entre le 40e et le 45e parallèle, liées aux brumes des bancs de Terre-Neuve et à la dérive des glaces, deux routes à double couloir ont été établies. – un couloir aller et un couloir retour. La première route, la plus au nord et la plus courte, est utilisée du 15 août au 14 janvier, époque où la dérive des glaces est la plus limitée. En revanche, du 15 janvier au 14 août, la route est reportée de 200 milles plus au sud (360 km) de manière à éviter au maximum la zone la plus dangereuse.

Au moment de la collision, le Titanic se trouve même davantage au sud, environ 10 milles, que la route préconisée.



La route suivie par le Titanic, et le lieu du naufrage.


Le risque de glace :

La glace se présente sous deux formes : des icebergs à la dérive, ou des zones de mer gelée, qu’on appelle le pack. Cette banquise de faible épaisseur, souvent disjointe ou friable, oblige à ralentir la marche, mais ne représente pas un danger mortel pour des bateaux de grande taille.

Il peut arriver qu’un printemps particulièrement doux provoque la dérive d’une grande quantité d’icebergs, dirigés vers l’Atlantique nord par le courant du Labrador. Ce phénomène est rapidement signalé, en particulier par les pêcheurs nombreux sur les bancs de Terre-Neuve. En 1903, 1904 et 1905, les compagnies ont dû prendre la décision de modifier les routes, pour les faire passer plus au sud.

Dans ces conditions, la rencontre de glace, sous quelque forme que ce soit, constitue un phénomène exceptionnel sur la route préconisée. Les officiers survivants du Titanic pourront ainsi certifier n’avoir jamais rencontré de glace sur la route de New York.

Les compagnies d’assurance ont fixé à une chance sur un million le risque de collision avec un iceberg.

Une autre raison contribue encore à négliger le danger représenté par les glaces. Non seulement les accidents sont rares, mais ils ont été jusque-là relativement bénins. En 1856, le paquebot Persia avait réussi à atteindre New York après avoir heurté un iceberg. En 1879, l’Arizona avait lui aussi percuté de plein fouet un de ces énormes blocs de glace. Le choc avait été d’une rare violence, projetant au sol les passagers. Le paquebot, l’étrave écrasée, avait réussi cependant à rejoindre Saint-Jean de Terre-Neuve. Après une réparation de fortune, il avait pu regagner Liverpool. Depuis cette affaire, 33 ans plus tôt, aucun paquebot n’a heurté d’iceberg.

Sur 20 ans, de 1890 à 1910, le Board of Trade a enregistré 89 000 traversées de l’Atlantique effectuées par des navires britanniques. Pendant cette période, on n’a relevé que 13 accidents liés à la glace, sans la perte d’une seule vie humaine.

En réalité, les dangers qui obsèdent les commandants de bord sont bien différents : il s’agit du risque d’abordage – avec un autre navire ou avec une épave – et du risque d’incendie.

Le risque d’abordage :

Il s’agit de la collision avec un autre navire – spécialement par temps de brume – ou de la rencontre avec un derelict, c’est-à-dire une épave flottant entre deux eaux. La pilot-chart d’avril 1912 en signale plusieurs, particulièrement dangereux sur la route des paquebots de l’Atlantique nord.

Il s’agit le plus souvent de cargos à demi immergés, difficiles à apercevoir, généralement chargés de bois, ce qui les empêche de couler complètement. Certains de ces derelicts ont ainsi dérivé de la côte est américaine jusqu’aux Açores, et inversement. Peu avant le drame du Titanic, la Touraine, de la Compagnie Transatlantique, avait évité de peu une de ces épaves qui ne laissait émerger qu’un tronçon de mât dominant une carcasse dissimulée sous l’eau.

En utilisant un navire spécial, le service hydrographique américain a entrepris la destruction systématique de ces derelicts considérés comme infiniment plus dangereux que les icebergs par les marins.

Le risque d’abordage avec un autre navire est sérieux, surtout par temps de brume. En théorie, le système des couloirs de circulation limite le risque : tous les navires circulent dans le même sens. En pratique, les navires de pécheurs ne sont pas rares, et la route nord empiète sur le sud des bancs de Terre-Neuve. Mais le danger est évidemment pour les bateaux de bois des Terre-Neuvas, pas pour les grands navires. Situation que les pécheurs n’apprécient guère et qui ajoute aux dangers de leur métier.

Pour éviter un abordage, tous les navires maintiennent des marins de quart qui surveillent en permanence vers l’avant du bateau. Sur les grands paquebots, ils sont installés sur une dunette placée tout à l’avant du navire. L’alerte est donnée par une cloche : 1 coup pour un danger sur tribord, 2 coup si l’obstacle apparaît à babord, et trois coups s’il est situé droit devant.

Un bateau en panne doit également se signaler par des projecteurs. S’il ne dispose pas de la TSF (Télégraphie sans fil : on transmet un télégramme en code Morse) il peut lancer des fusées de détresse. Un code de couleur indique la nature de son problème.

Le risque d’incendie :

Même si les navires ne sont plus construits en bois, la présence à bord de nombreux matériaux inflammables contribue à maintenir un risque d’incendie important. C’est le cas en particulier de la cargaison de charbon : pendant ses 4 jours de navigation, le Titanic consommera de 600 à 800 tonnes par jours, en fonction de sa vitesse. Sur tous les paquebots, des précautions sont prises pour éviter un incendie de la réserve de combustible, qui est compartimentée. De même les salles de chauffe sont ventilées (comme dans les mines) pour éviter un allumage brutal de poussière de charbon.

Les paquebots disposent d’équipement de lutte contre l’incendie, basés sur les pompes de secours, les mêmes qu’on utilise en cas de voie d’eau. Elles peuvent permettre de pomper l’eau de mer pour noyer un éventuel incendie.

L’utilisation de la TSF :

L’utilisation de la TSF est encore rare à bord des navires. Seuls les plus grands ont les moyens de s’équiper et d’affecter un opérateur à une écoute permanente. Une loi américaine impose toutefois son installation à bord de tous les navires de plus de 50 passagers. Comme Il s’agit d’une technologie encore au stade de l’adolescence, malgré des progrès constants, les installations ont souvent une faible portée, qui ne dépasse guère 100 milles. Les grands paquebots sont mieux équipés, avec une portée qui peut dépasser 500 milles. A leur bord, l’usage de la TSF est un monopole de la société Marconi, qui facture les télégrammes envoyés par les passagers. Le trafic de service, à la disposition du capitaine, est évidemment prioritaire.

En revanche les stations basées à terre, de très forte puissance, couvrent la totalité de l’Atlantique. Leurs messages d’alerte sont reçus par tous.

Les navires de l’Atlantique nord ont donc pris l’habitude de se signaler entre eux d’éventuels problèmes de navigation. Ne pouvant pas joindre, pour la plupart, les stations d’écoute établies à terre, ils ont aussi l’habitude de confier des messages à destination de leur compagnie, pour signaler l’heure d’arrivée prévue ou d’éventuelles réparations à prévoir. Selon les cas, le message est confié à un navire plus rapide, ou relayé par TSF de navires en navires s’il s’agit d’une urgence.

Faute de disposer de plusieurs opérateurs TSF, l’écoute n’est pas permanente. La plupart des navires maintiennent une veille de 6 ou 7 heures du matin, jusqu’à 23 heures ou minuit.

Lorsque le Titanic émet son SOS, à 0h15, les opérateur radios des deux navires les plus proches, le Parisian et le Californian, ont débranché leur appareil depuis 15 et 45 minutes. Le Californian se trouvait à 20 milles, à une heure de route dans de bonnes conditions.

La navigation dans l’Atlantique nord se trouve à une époque charnière, où les procédures d’utilisation de la TSF ne sont pas encore fixées, et où le repérage des dangers de mer (glace, épaves) n’est pas systématique.

L’accident du Titanic contribuera d’ailleurs à améliorer la réglementation et la coopération internationale sur ces sujets.

Les conditions de navigation restant relativement périlleuses, les ingénieurs maritimes ont beaucoup travaillé sur la conception des paquebots, pour leur assurer la meilleure protection possible contre les dangers qui les menacent.




Mise à quai du Titanic à Southampton.






Collisions et incendies : depuis le drame du Titanic, tous les naufrages de paquebots en temps de paix ont été causés soit par une collision avec un autre navire – malgré l’invention du radar – soit par un incendie à bord.

Il est vrai que la dérive des icebergs dans l’Atlantique nord est surveillée depuis cette époque par un service spécial, improvisé en 1912, et qui deviendra en 1925 la célèbre Patrouille des Glaces. Cette patrouille existe encore aujourd’hui.

Tous les naufrages : Une seule exception : le paquebot Sea Diamond qui a accroché un haut-fond en mer Egée, en 2007.

En temps de paix : les naufrages les plus meurtriers ont eu lieu pendant les deux guerres mondiales. Le pire est celui du Wilhelm Gustloff, un paquebot allemand qui évacuait des réfugiés de Königsberg. (ville de Prusse orientale encerclée par les Soviétiques) Après avoir été touché par un sous-marin russe, il a coulé au milieu des glaces de la Baltique, en janvier 1944, avec 8 à 10 000 personnes à bord. (le nombre des passagers embarqués n’est pas connu avec précision.)


A suivre : Un paquebot bien protégé.


Edité le 22-04-2009 à 02:24:38 par Pierma




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   Posté le 25-04-2009 à 22:30:51   Voir le profil de Audrey (Offline)   Répondre à ce message   http://lepetitmondedaudrey.alloforum.com/   Envoyer un message privé à Audrey   

Merci, Pierma.

Il est assez stupéfiant de se dire qu'à 15 ou 45 minutes près, le destin de centaines de passagers s'est joué... Car si les opérateurs radios des navires proches avaient pu recevoir le SOS (survenu trop tard), le nombre de rescapés aurait été bien supérieur.

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   Posté le 26-04-2009 à 23:56:04   Voir le profil de Pierma (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Pierma   

Oui, à part les difficultés de transbordement (2500 personnes à passer d'un bateau à l'autre) il est probable qu'ils auraient sauvé tout le monde ou presque.

C'est ce qui s'est passé sur des naufrages plus récents, comme par exemple celui de l'Andréa Doria.

Mais il aurait pu y avoir bien pire : il s'en est fallu de peu que le Titanic n'émette aucun SOS, et disparaisse sans laisser de trace.

Pendant toute l'après-midi, le géant des mers était resté en panne de TSF. C'est seulement en fin de journée que les deux opérateurs, après 7 heures d'effort, ont réussi à le remettre en état.


Edité le 27-04-2009 à 00:37:53 par Pierma




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   Posté le 29-04-2009 à 20:26:23   Voir le profil de Audrey (Offline)   Répondre à ce message   http://lepetitmondedaudrey.alloforum.com/   Envoyer un message privé à Audrey   

Un "coup de chance" (si j'ose dire), cette réparation ...mais qui, malheureusement, n'aura pas suffit.

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   Posté le 01-05-2009 à 17:15:23   Voir le profil de ThunderLord (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à ThunderLord   

N'empêche, sacré concours de circonstances (même si la crétinerie des bâtisseurs du Titanic n'a pas aidé non plus) dans cette histoire :/

Merci Pierma pour ce nouveau chapitre d'histoire

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   Posté le 01-05-2009 à 19:31:20   Voir le profil de Ouaille (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Ouaille   

Passionnant ! Comme d'habitude, Bravo Pierma!


Edité le 01-05-2009 à 19:32:49 par Ouaille


Pierma
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   Posté le 06-06-2009 à 15:41:36   Voir le profil de Pierma (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Pierma   

Le naufrage du Titanic - Vérité et légende


4. Un paquebot bien protégé.





Le Titanic appareille de Freetown, en Irlande.


En 1912 le Titanic représente ce que les ingénieurs navals savent faire de mieux. En réalité, on n’avait jamais fait aussi bien, et on ne fera guère mieux par la suite.

La White Star a délibérément mis l’accent sur la sécurité du navire et le confort des passagers, plutôt que sur la vitesse. Malgré tout, le choix de ne pas chercher la traversée la plus rapide implique un respect impeccable des horaires, et donc de la vitesse moyenne. Pour les passagers, en effet, il est important d’arriver à New York au petit matin : la mise à quai, la durée des formalités de douane, le débarquement des passagers et des bagages doivent être accomplis dans la matinée. Les voyageurs doivent pouvoir prendre une correspondance ferroviaire ou effectuer un trajet automobile jusqu’à leur destination finale. cette nécessité de maintenir une vitesse régulière a certainement joué un rôle dans la catastrophe.

La sécurité d’abord :

Le compartimentage : le Titanic (et ses sister-ships) est le premier paquebot à disposer d’un compartimentage aussi soigné.

Il comporte 16 compartiments séparés par 15 cloisons étanches. Ces cloisons peuvent être fermées sélectivement depuis la passerelle à l'aide d'une commande électrique. En cas d'entrée d'eau inattendue, on peut également les fermer manuellement. De plus un système de flotteurs de sécurité les ferme automatiquement dans l’hypothèse d’une montée d’eau trop rapide. Deux compartiments principaux (les plus grands, ceux qui se trouvent au centre du navire) peuvent être inondés sans que le navire soit en danger, les autres assurant sa flottabilité.

Les ingénieurs estiment même qu’il pourrait résister longtemps à l’envahissement de 3 voire 4 compartiments secondaires. (compartiments avant ou arrière, qui sont moins volumineux.) Sa résistance peut encore être accrue par l’utilisation des pompes d’évacuation. Le transatlantique dispose de huit pompes offrant une capacité d'évacuation de 400 tonnes d'eau à l'heure.

Lutte contre l’incendie : on sait que les pompes peuvent être utilisées, à l’inverse, pour pomper l’eau de mer en cas d’incendie. Le paquebot dispose aussi de détecteurs de fumée dans les endroits névralgiques. La sonnerie d'alarme automatique, qui localise l’origine du feu, garantit une intervention rapide des employés en cas d'incendie. Une tuyauterie interne permet de dérouler des lances au plus près d’un foyer d’incendie éventuel.

Aide à la navigation :

Innovation majeure, le Titanic est équipé d’un appareil de détection acoustique permettant de repérer des obstacles immergés. (rien moins qu’un sonar, donc, mais dirigé uniquement vers l’avant.)

Rappelons qu’il possède une installation TSF de grande portée. (Supérieure à 1000 milles – 1800 km – dans la journée, et jusqu'à 1500 milles la nuit.)

Equipements internes :

L'énergie électrique, nécessaire à l'éclairage (10 000 ampoules) et au fonctionnement des divers appareils (pour la cuisson, le chauffage, la réfrigération et l'aération) est assurée par quatre dynamos d'une puissance de 400 kilowatts.

Le Titanic dispose aussi d'un système téléphonique très avancé pour l'époque. Il s'agit d'une installation double : un réseau réservé au capitaine et à la navigation, et un réseau pour le service interne des passagers. Le premier relie entre eux la passerelle de commandement, la plage avant, la salle des machines et le compartiment arrière. Point essentiel : ce téléphone est également relié au « nid-de-pie » où sont installées les vigies à l’avant. Le second réseau, d'une capacité de 50 lignes, permet aux clients occupant les cabines de luxe de communiquer avec les différents services (bar, restaurant, etc.).

Le Titanic paraît donc bien étudié pour affronter la « fortune de mer. »

Les canots de sauvetage :

Le Titanic dispose de 20 canots de sauvetage – dont 4 radeaux entoilés - alors que la réglementation n’en impose que 16 pour son tonnage. Cette réglementation sera revue à la hausse après l’accident.
Dans l’esprit de l’époque, les canots de sauvetage ne sont pas destinés à sauver tous les passagers, mais à permettre leur transbordement vers un bateau se portant à leur secours. Ce concept peut paraître curieux compte-tenu des faibles moyens dont on dispose pour prévenir les autres navires. Encore le Titanic est-il équipé pour cela d’une bonne TSF, mais il s’agit d’une exception.

Un mot sur le confort :

Pour la première fois sur un "dreamliner" les secondes et troisièmes classes ont droit à un confort satisfaisant. La White Star tient à attirer les immigrants qui représentent la plus grande part du trafic passager sur l'Atlantique. Aussi les grands dortoirs habituels en troisième classe ont disparu, au profit de cabines de 4 à 8 places. L'époque de l'entassement dans les entreponts n'est plus de mise.

Tout a été dit sur le luxe des premières classes du Titanic.

Notons plutôt ce qui lui manque. Contrairement à la légende, le Titanic ne dispose pas d’une salle de bal. On se couche tôt, à la Belle Epoque. Après 22h00, on se retire dans les salons fumoirs, et on ne veille guère au-delà de minuit. Il faudra l’après-guerre et les Années Folles pour qu’une piste de danse soit aménagée à bord de l’Olympic et du Britannic.

Lancé un an après l’Olympic, le Titanic a bénéficié d’améliorations apportées par l’expérience de son sister-ship. Par exemple, les ponts promenades des premières classes ont été réduits au profit de la taille des cabines, et la partie restante a été équipée de baies vitrées pour protéger les promeneurs du froid et du vent d’hiver sur l’Atlantique Nord. Les salons de lecture pour les dames ont vu leur surface limitée au profit d’un salon mixte : les passagères seules sont rares, et les dames, en première classe ne détestent pas le bavardage mondain. (En tout bien tout honneur) Dans le même esprit, une autre amélioration est très appréciée : le Café Parisien, qui remplace une partie du pont promenade. Par contre la tradition des salons-fumoirs réservés aux hommes a été dûment conservée.


Le pont promenade.


Le site http://pagesperso-orange.fr/titanic/ ,à recommander aux passionnés, propose une visite guidée du Titanic (sur le plan en coupe, on peut cliquer sur chaque partie pour avoir la photo correspondante.)

Autre amélioration : la capacité du restaurant à la carte a été augmentée. Cette innovation, très bien accueillie sur l’Olympic, met en valeur les talents d’une équipe de cuisine franco-italienne. Non pas qu’on mange mal en première classe : le diner est un moment de grande importance, où les passagers portent smoking et tenue de soirée. A sa table, le commandant Smith est en grand uniforme et se prête aux mondanités qui sont une part de ses obligations.

J’en profite pour signaler que le commandant Smith, 62 ans, est ce qu’on appelle familièrement « un vieux mât. » Il a derrière lui une longue carrière de commandant de bord et effectue là sa dernière traversée. Rien n’autorise à penser qu’il a pu être poussé à l’imprudence par le patron de la White Star, Bruce Ismay, qui a tenu à être présent au cours de ce voyage inaugural. A la veille de la retraite, Smith n’avait plus à craindre pour sa carrière et n’aurait pas hésité à tenir tête à son patron. Le capitaine, « seul maître à bord » reste juge de la sécurité de ses passagers.



Noter l'emplacement des canots de sauvetage, sur le pont supérieur. A l'avant, ils se trouvent au dessus de la promenade couverte des premières classes.






Energie électrique : pendant le naufrage, les équipes techniques réussiront à maintenir l’éclairage du navire pratiquement jusqu’à la fin, sans doute en utilisant l’énergie résiduelle des chaudières qui n’étaient pas encore noyées. Ce qui a permis d'éviter une évacuation dans le noir, qui aurait tourné à la panique.

Un détail qui en dit long sur le soin apporté à lutter contre le risque de court-circuit : les passagers survivants seront nombreux à attester qu’une partie de l’éclairage a continué à fonctionner sous l’eau, dans les coursives immergées.

Compartimentage : le Titanic est compartimenté par tranches, de l’avant vers l’arrière. Il ne comporte pas de compartimentage latéral : cela signifie que chaque compartiment va d’un bord à l’autre du navire.

Il serait possible de partager en deux ces compartiments, par une cloison verticale située au milieu du navire, solution qui sera généralisée plus tard sur les paquebots. Mais il n’est pas certain qu’elle aurait sauvé le Titanic : des accidents ultérieurs montreront que le compartimentage latéral, qui ne laisse entrer l’eau que sur un côté du navire, entraîne un risque rapide de chavirage, ce qui oblige l’équipage à ouvrir la séparation pour équilibrer le navire. (Avec 4 compartiments touchés, le problème serait apparu très rapidement sur le Titanic.)

Le défaut réel de ce compartimentage : il ne monte pas assez haut. Il atteint le pont C, au mieux le pont D pour les compartiments principaux. Lorsque le Titanic s’enfoncera par l’avant, l’eau passera par-dessus les cloisons pour envahir les compartiments intacts. C’est la seule amélioration importante que les ingénieurs tireront du naufrage du Titanic.

Deux compartiments inondés : l’hypothèse d’une voie d’eau touchant deux compartiments est très peu probable. (en temps de paix) Il faudrait imaginer un éperonnage par le travers et par un bâtiment de fort tonnage. De fait, aujourd’hui encore, même si plusieurs hypothèses ont été avancées, on ne sait pas avec certitude pourquoi des voies d’eau ont touché au moins 4 compartiments (les 3 premiers et le sixième, certitude, et sans doute aussi le quatrième) d’autant plus qu’il ne s’agit pas de 4 compartiments successifs. L’exploration de l’épave, dont l’avant est enfoncé dans la vase, n’a pas permis de diagnostiquer les dégâts depuis l’extérieur.

20 canots de sauvetage : à raison de 60 places par canot, leur capacité théorique est de 1200 personnes. (pour 2200 passagers et membres d’équipage embarqués au cours de cette traversée inaugurale.) Il n’est pas certain qu’un nombre de canots plus important aurait pu sauver tout le monde : le temps aurait manqué pour les mettre à l’eau. Malgré des conditions idéales (mer calme, navire coulant à plat, absence de vent, délai de 2h30) le dernier canot n’a été mis à l’eau que peu de temps avant que le Titanic disparaisse. Le dernier radeau a été arraché du pont par une vague dans les derniers instants du naufrage.

Les naufrages ultérieurs confirmeront ce problème et confortent les ingénieurs dans leur conviction : le meilleur canot de sauvetage reste le navire lui-même, qui doit être conçu pour éviter, et au pire pour résister le plus longtemps possible à un naufrage.


A suivre : L’impensable.


Edité le 13-06-2009 à 02:51:52 par Pierma




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Je ne résiste pas à l'envie de vous donner le menu des premières classes, au cours du dernier repas du soir. Il laisse rêveur :

Hors-d'oeuvre variés et huitres
Consommé Olga et crème d'orge
Saumon à la sauce mousseline et concombres
Filet mignon Lili
Sauté de poulet à la lyonnaise
Légumes à la moelle farcie
Agneau sauce menthe
Caneton roti aux pommes
Selle de boeuf garnie de pommes de terre
Crème de pois et carottes
Riz créole et pommes Parmentier
Punch à la romaine
Pigeonneau rôti au cresson
Asperges vinaigrette
Pâté de foie gras avec céleris

Waldorf Pudding
Pêches en gelée
Eclairs au chocolat et vanille
Glaces à la française.


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On ne se refusait rien à l'époque O_o

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Même la baignade, c'est pour dire !

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Qu'attendre d'un peuple qui découvre les informations dans les shows people ? Bien sûr qu'ils s'en fichent ! Ils attendent la chute. Ils attendent... Non. Ce n'est pas vrai. Ils se préoccupent plus d'eux mêmes que du monde dans lequel ils vivent, c'est tout. Ils veulent le confort, pas la sécurité.
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Coolness a écrit :

Même la baignade, c'est pour dire !


Ajoutons qu'après un repas pareil, l'hydrocution était inévitable.

Excellent, ça ! T'es nominé pour le prix de la blague la plus douteuse de l'année.

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Ca c'est gentil Je reçois un prix ?

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Qu'attendre d'un peuple qui découvre les informations dans les shows people ? Bien sûr qu'ils s'en fichent ! Ils attendent la chute. Ils attendent... Non. Ce n'est pas vrai. Ils se préoccupent plus d'eux mêmes que du monde dans lequel ils vivent, c'est tout. Ils veulent le confort, pas la sécurité.
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Coolness a écrit :

Ca c'est gentil Je reçois un prix ?


Une croisière au pôle nord sur un radeau de secours. En hiver.

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Pierma devient sadique, fallait pas l'interrompre

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ThunderLord a écrit :

Pierma devient sadique, fallait pas l'interrompre


Meuh non ! Je lui offre une croisière low cost. Le Pôle Nord en hiver c'est très vivifiant !

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Quoi, Coolness : tu refuses ton prix ??

Je viens enfin de pouvoir lire ton volet 4, Pierma. Qui, comme tous tes articles, nous en apprend beaucoup. Merci encore, Pierma.

C'est vrai qu'il était tout de même sacrément bien équipé pour l'époque, ce navire, et que le compartimentage était bien pensé. Reste l'énigme de plusieurs compartiments touchés en même temps... En sait-on davantage, maintenant que différents fouilles ont été réalisées ?

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   Posté le 21-11-2009 à 22:56:26   Voir le profil de Pierma (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Pierma   

Audrey a écrit :

C'est vrai qu'il était tout de même sacrément bien équipé pour l'époque, ce navire, et que le compartimentage était bien pensé. Reste l'énigme de plusieurs compartiments touchés en même temps... En sait-on davantage, maintenant que différents fouilles ont été réalisées ?

Hé non, malheureusement.

La partie avant de l'épave est profondément enfoncée dans la vase. L'exploration sous-marine n'a pas permis d'examiner les traces laissées sur la coque par l'iceberg.

Il y a différentes hypothèses :
- Il arrive très souvent que les icebergs détachés du Groënland enserrent des galets apportés par les glaciers. Un galet de ce genre aurait pu déchirer, comme un couteau, le flanc du Titanic.

- La simple pression de l'iceberg sur les flancs pourrait avoir disjoint les tôles de la coque.



Cette dernière hypothèse peut mettre en cause :

- le rivetage des tôles (peu probable : les rivets de la Tour Eiffel sont en place depuis 1889... et ils tiennent)

- la qualité de l'acier : des analyses récentes ont montré que certaines qualités d'acier utilisées en Irlande à cette époque contenaient du soufre, qui rend les aciers cassants.

- la conception même du navire : la longueur du Titanic, premier navire à atteindre cette longueur, n'est pas idéale, d'après Philippe Masson, pour supporter la houle de l'Atlantique. Sur ces vagues de grande amplitude, la coque porterait par moment davantage sur les sommets de 2 vaques successives, de sorte que le milieu du navire porte sur un creux, ce qui aurait pu fatiguer la structure. (ça on le sait parce qu'on a depuis longtemps appris à faire les calculs de structure correspondant à différentes conditions de mer.)

Et puis, on peut imaginer également une combinaison de ces différentes causes.

Il n'est pas exclu qu'on ait un jour l'explication. Cela nécessiterait d'explorer l'épave de l'intérieur. Il faudra aussi distinguer :
- les effets causés par l'iceberg sur la coque.
- et les effets de la collision de l'épave avec le fond de de la mer. (on estime que l'épave a heurté le fond avec une vitesse de chute de 40 km/h environ.)
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Tiens, pourquoi j'arrive pas à éditer le message précédent ?

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   Posté le 22-11-2009 à 00:59:07   Voir le profil de Audrey (Offline)   Répondre à ce message   http://lepetitmondedaudrey.alloforum.com/   Envoyer un message privé à Audrey   

Pierma a écrit :

Tiens, pourquoi j'arrive pas à éditer le message précédent ?

Je viens de solutionner le problème, Pierma : le serveur d'ImageShack abritant l'icône "éditer" avait foiré, je viens donc de la remettre en place (et je me suis permis, par la même occasion, de solutionner ton souci de balise citation ).

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